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Une grande réunion avec le président mais pas de "vision" partagée de l'agriculture: Emmanuel Macron a déclaré jeudi aux syndicats qu'il "ne croyait pas" à une fin de crise rapide et envisageait d'attendre l'issue des prochaines élections professionnelles en 2025 pour partager son "projet d'avenir" pour le secteur.
Le chef de l'Etat a rassemblé dans la matinée une trentaine de représentants du monde agricole (syndicats, interprofessions, coopératives) ainsi que le Premier ministre Gabriel Attal et plusieurs de ses ministres, selon des participants à la réunion.
Cet échange de plus de deux heures était destiné à évoquer les "perspectives" du secteur selon l'Elysée, qui espérait "acter la fin" de la crise de cet hiver, la "plus grave en 30 ans" selon le syndicat majoritaire FNSEA.
Si les syndicats ont pu s'exprimer, ils sont ressortis de cet échange assez circonspects. Les syndicats majoritaires FNSEA et Jeunes agriculteurs (JA) ne sont "ni déçus, ni satisfaits", tandis que la Coordination rurale (CR) et la Confédération paysanne, respectivement deuxième et troisième syndicats, étaient plutôt "déçus".
Emmanuel Macron "nous a dit qu'il ne croyait pas à la fin des mouvements tant les causes étaient protéiformes et ce qui l'intéressait, c'était de construire un projet d'avenir et qu'il n'avait pas l'intention de courir derrière la colère. Ce sont ses mots", a déclaré Arnaud Rousseau le patron de la FNSEA lors d'une conférence de presse.
Les syndicats majoritaires FNSEA et Jeunes agriculteurs (JA) attendent depuis des mois la "vision" du président sur l'avenir de l'agriculture en France. Une prise de parole devant faire écho à son discours de Rungis de 2017, qui fait encore figure d'épouvantail pour une grande partie du monde agricole.
Le chef de l'Etat nouvellement élu avait alors secoué les filières en prônant une production alimentaire plus qualitative, plus durable, et théoriquement plus rémunératrice pour les agriculteurs. Une stratégie percutée par l'inflation et la résistance du secteur.
Le président a dit qu'il partagerait sa "nouvelle vision de l'agriculture" qu'en concertation avec le monde agricole, a poursuivi M. Rousseau.
Il est prêt à "attendre après les élections aux chambres d'agriculture", prévues en janvier 2025, jugeant que la concurrence entre syndicats pouvait être "un facteur d'interférence dans la définition de la vision de l'avenir de l'agriculture", a ajouté le patron de la FNSEA, syndicat qui contrôle actuellement l'immense majorité des chambres d'agriculture.
- Pas "de nature à rassurer" -
"J'ai senti un peu la Coordination rurale visée parce que sur le terrain, nous restons mobilisés. Il a bien dit que les mobilisations devaient quelque part cesser pour qu'on puisse se mettre au travail", a déclaré à la presse Véronique Le Floc'h, présidente du deuxième syndicat agricole.
De son côté, la porte-parole de la Confédération paysanne Laurence Marandola a souligné qu'il y avait eu "un engagement" de la part d'Emmanuel Macron de revenir vers les syndicats et "de construire ensemble".
"Le président a parfaitement compris que cette réunion n'est pas de nature à clore complètement le sujet agricole", a-t-elle ajouté, déplorant notamment l'absence de "nouvelles annonces qui pourraient être de nature à rassurer les paysans toujours en difficulté" ou de "choix" concernant l'installation ou la transmission des fermes.
En revanche, elle a salué la volonté du président de voir s'accélérer les travaux parlementaires sur la nouvelle mouture de la loi Egalim censée protéger le revenu des agriculteurs: le président a souhaité voir ce texte applicable "avant les prochaines négociations commerciales" qui débutent chaque année à l'automne entre industriels et distributeurs.
Mais sur le fond, ce premier grand rendez-vous du président avec le secteur depuis l'inauguration, sous les huées, du dernier Salon de l'agriculture, n'a rien acté de nouveau.
Alors qu'Arnaud Rousseau répétait encore jeudi matin que le président seul détenait "la clé de la fin de ce conflit", le chef de l'Etat a choisi d'attendre, alors que le feu couve toujours sous la braise, en dépit des centaines de millions d'euros d'aides promis par l'exécutif.
La crise, qui a éclaté avec un blocage d'une portion de l'autoroute A64 mi-janvier en Haute-Garonne, a poussé le gouvernement à prendre au total 70 engagements (fonds d'urgence, simplifications, "pause" dans l'élaboration du plan de réduction de l'usage des pesticides, allègement de charges sur l'emploi de travailleurs saisonniers...). Les plus récents datent de samedi, quand le Premier ministre a notamment assuré que la prise en compte des 25 meilleures années dans le calcul de la retraite des agriculteurs serait effective en 2026.
L'Assemblée nationale a par ailleurs commencé à examiner cette semaine en commission un projet de loi d'orientation agricole étoffé avec la crise, qui affirme dans son article 1 que l'agriculture est "d'intérêt général majeur", dans l'optique notamment de faciliter la construction de réserves d'eau pour l'irrigation.
(H.Schneide--BBZ)