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Après le mariage raté, l'OPA hostile: trois jours après le rejet d'une offre amicale de fusion, la banque espagnole BBVA a lancé jeudi une offre publique d'achat sur sa concurrente Sabadell, censée donner naissance à un géant bancaire européen.
Cette OPA se fait dans les mêmes conditions que la proposition refusée par le conseil d'administration de Sabadell, à savoir un échange d'une action nouvelle de BBVA contre 4,83 actions Sabadell, a annoncé la deuxième banque d'Espagne.
Cette offre, détaillée dans un communiqué transmis au gendarme boursier espagnol (CNMV), valorise Sabadell à près de 11,5 milliards d'euros. Un montant jugé insuffisant par l'organe de direction de Sabadell, quatrième banque d'Espagne.
Ce dernier avait en effet estimé à l'issue d'une réunion extraordinaire lundi soir que la proposition de BBVA sous-évaluait "de manière significative" sa propre valeur et était contraire aux intérêts de "ses actionnaires", de ses "clients" et de ses "salariés".
Il avait en outre souligné dans un communiqué avoir "pleinement confiance dans la stratégie de croissance et dans les objectifs financiers" de Sabadell en tant que banque indépendante, capable selon lui de générer "plus de richesse".
Dans une courte réaction, BBVA a dit "regretter" le fait que Sabadell "ait rejeté une offre aussi attrayante". Plusieurs analystes avaient alors évoqué la possibilité d'une nouvelle offre améliorée, avec notamment un apport complémentaire en espèces.
Mais cette éventualité avait été évacuée par BBVA, qui avait assuré dans un courrier à sa concurrente n'avoir "aucune marge" de manoeuvre "pour améliorer" son offre, qui aurait permis aux actionnaires de Sabadell de détenir 16% du futur géant bancaire.
L'offre de BBVA est donc désormais entre les mains des actionnaires de Sabadell eux-mêmes. La banque originaire de Catalogne n'a pas d'actionnaire de contrôle mais une multitude d'actionnaires ne dépassant pas 4%, dont de grands fonds d'investissement.
- "Profits extraordinaires" -
BBVA avait tenté une première fois d'absorber Sabadell en novembre 2020, afin de faire face aux défis provoqués par la pandémie de Covid-19. Mais ce projet avait été abandonné dix jours plus tard, en raison d'une offre déjà jugée insuffisante par Sabadell.
Le groupe BBVA, originaire du pays basque, est présent en Espagne mais aussi au Mexique, en Argentine ou en Turquie. Il s'agit de la deuxième banque espagnole en termes de capitalisation (60 milliards d'euros) et de clients (74,1 millions).
Sabadell, fondée dans la banlieue de Barcelone et dont le siège social a été transféré à Alicante (sud-est) après la tentative de sécession avortée de la Catalogne en 2017, est pour sa part quatrième avec 20 millions de clients et 9,8 milliards de capitalisation.
Leur fusion aurait donné naissance à un groupe capable de rivaliser avec Santander, première banque espagnole avec 72 milliards d'euros de capitalisation et 166 millions de clients, mais aussi avec les autres géants européens, comme HSBC ou BNP Paribas.
L'annonce de BBVA avait fait naître cependant des craintes ces derniers jours chez les syndicats, mais aussi au sein du gouvernement espagnol, qui avait dit s'inquiéter d'une trop grande concentration du secteur bancaire et de possibles suppressions d'emplois.
"Normalement, ces fusions sont utilisées pour fermer des agences, procéder à des licenciements importants (...) Je sais très bien comment cela fonctionne", avait ainsi assuré la ministre du Travail Yolanda Diaz, numéro trois du gouvernement de Pedro Sánchez.
Le secteur bancaire espagnol a connu une importante consolidation depuis la crise financière de 2008, marquée par la quasi disparation des caisses d'épargne provinciales. Ce phénomène s'est traduit par des dizaines de milliers de suppressions d'emplois.
"Les banques de notre pays ont dégagé des profits extraordinaires ces dernières années, en conséquence des aides fournies par l'Etat durant la crise", a souligné le secrétaire général du syndicat UGT, Pepe Alvarez, appelant BBVA et Sabadell à la responsabilité.
BBVA, présidé par Carlos Torres Vila, a dégagé l'an dernier 8,02 milliards d'euros de bénéfice net, soit le niveau le plus élevé de son histoire. Sabadell a dégagé de son côté 1,33 milliards de profits, un record là aussi.
(F.Schuster--BBZ)