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Le président kényan William Ruto s'est engagé mardi à réprimer fermement la "violence et l'anarchie" après les nouvelles manifestations contre ses projets de taxes, marquées par au moins 5 morts selon des ONG et une intrusion chaotique au Parlement à Nairobi.
Le gouvernement a annoncé dans la soirée avoir fait appel à l'armée pour faire face à la situation, alors que les Etats-Unis et plus d'une dizaine de pays européens se sont dits "fortement préoccupés" et ont appelé au calme.
La police a fait usage de gaz lacrymogène, canons à eau, balles en plastiques et balles réelles, selon plusieurs ONG, pour disperser les manifestants.
"Malgré l'assurance donnée par le gouvernement que le droit de se rassembler serait protégé et facilité, les manifestations d'aujourd'hui ont dégénéré en violence", ont déclaré ces ONG, dont Amnesty Kenya, dans un communiqué annonçant le bilan d'au moins 5 morts et 31 blessés. Elles disent également avoir relevé 21 enlèvements de personnes par des "officiers en uniforme ou en civil" ces dernières 24 heures.
La principale coalition d'opposition, Azimio, a accusé le gouvernement d'avoir "déchaîné sa force brute contre les enfants de notre pays".
"Le Kenya ne peut pas se permettre de tuer ses enfants simplement parce qu'ils demandent de la nourriture, un emploi et une oreille attentive. La police doit donc immédiatement cesser de tirer sur des enfants innocents, pacifiques et non armés", a souligné Azimio dans un communiqué.
"Nous apporterons une réponse complète, efficace et rapide aux événements de trahison d'aujourd'hui", a déclaré William Ruto lors d'un point presse dans la capitale Nairobi, affirmant que les manifestations avaient été "détournées par des personnes dangereuses.
"Il n'est pas normal, ni même concevable, que des criminels se faisant passer pour des manifestants pacifiques puissent faire régner la terreur contre le peuple, ses représentants élus et les institutions établies par notre constitution, et s'attendre à ne pas être inquiétés", a-t-il ajouté.
Le gouvernement kényan a déployé l'armée pour soutenir la police "en réponse à l'urgence sécuritaire" et à ces "destructions et intrusions dans des infrastructures cruciales", a annoncé en début de soirée le ministre de la Défense Aden Bare.
- "La voix de la jeunesse" -
A Washington, la Maison Blanche a condamné "la violence sous toutes ses formes" et appelé au calme, a indiqué une porte-parole du Conseil de sécurité nationale. "Les Etats-Unis surveillent de près la situation à Nairobi", a-t-elle ajouté.
Les Etats-Unis et plus d'une dizaine de pays européens dont l'Allemagne, la France et le Royaume-Uni se sont déclarés "fortement préoccupés" par les violences.
La tension est allée crescendo dans la journée dans le centre d'affaires (CBD) de Nairobi pour cette troisième manifestation en huit jours du mouvement "Occupy Parliament" ("Occuper le Parlement") opposé au projet de budget 2024-25 et à ses nouvelles taxes.
"Nous sommes la voix de la jeunesse au Kenya", a déclaré Elizabeth Nyaberi, une avocate et manifestante de 26 ans. "Ils nous gazent à la lacrymo, mais on s'en fout. On est ici pour parler au nom de notre génération et pour celles qui suivront".
Des journalistes de l'AFP présents dans le centre de Nairobi ont vu trois personnes inanimées, gisant dans des mares de sang, aux abords du Parlement, où un bâtiment a brièvement pris feu.
La police a repris le contrôle des lieux après quelques dizaines de minutes. Des images de la télévision montraient des salles saccagées, tables renversées, fenêtres brisées et du mobilier fumant jonchant des jardins.
Par ailleurs, le réseau internet au Kenya était perturbé depuis le milieu de l'après-midi, a constaté l'AFP.
Des perturbations "importantes", a confirmé NetBlocks, organisme de surveillance du réseau de télécommunications dans le monde, précisant que les autorités avaient affirmé la veille qu'elles ne bloqueraient pas internet.
- "Peur de rien" -
D'autres manifestations se sont tenues dans plusieurs autres villes, notamment dans les fiefs de l'opposition de Mombasa (est) et Kisumu (ouest), ainsi qu'à Eldoret (ouest), grande ville de la vallée du Rift, région d'origine du président William Ruto.
"Occupy Parliament" a été lancé sur les réseaux sociaux peu après la présentation au Parlement le 13 juin du projet de budget 2024-2025 prévoyant notamment une TVA de 16% sur le pain et une taxe annuelle de 2,5% sur les véhicules particuliers.
Pour le gouvernement, les taxes sont nécessaires pour redonner des marges de manœuvre au pays, lourdement endetté.
Après un début de contestation, le gouvernement a annoncé le 18 juin retirer la plupart des mesures, mais les manifestants demandent le retrait intégral du texte.
Le mouvement s'est transformé en une contestation plus large de la politique du président Ruto, qui s'était dit prêt à dialoguer dimanche.
"Nous n'avons peur de rien", lançait Stephanie Wangari, sans-emploi, 24 ans: "Ruto n'a jamais tenu ses promesses, même de fournir du travail aux jeunes. Nous sommes fatigués. Qu'il parte".
Avant la journée de mardi, cette mobilisation avait déjà été marquée par la mort de deux personnes à Nairobi, ainsi que des dizaines de blessés et des centaines d'arrestations.
(T.Burkhard--BBZ)