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Les Britanniques ont commencé à voter jeudi lors d'élections législatives qui s'annoncent comme sonnant le glas de 14 années de règne conservateur, et laissent augurer une victoire d'une ampleur historique pour le parti travailliste mené par Keir Starmer.
Déchirements du Brexit, gestion brouillonne de la pandémie de Covid, envolée des prix et augmentation de la pauvreté, hôpital public à bout de souffle, valse des Premiers ministres... La succession des crises depuis 2010 a suscité un tel rejet que les conservateurs avouaient ces derniers jours se battre non pour gagner mais pour tenter de limiter la majorité promise au Labour.
Sauf coup de théâtre, c'est donc Keir Starmer, un austère ancien avocat spécialiste des droits humains de 61 ans, qui sera chargé vendredi par le roi Charles III de former un gouvernement, après avoir ramené son parti au centre-gauche et promis le retour du "sérieux" au pouvoir.
"Le changement. Aujourd'hui, vous pouvez voter pour", a écrit sur X le député londonien entré en politique il y a seulement neuf ans, qui est allé voter, accompagné de son épouse Victoria, jeudi matin dans sa circonscription du nord de Londres.
Le Premier ministre Rishi Sunak lui a voté en tout début de matinée dans sa circonscription du nord de l'Angleterre, en compagnie de son épouse Akshata Murty. Sur X, il a agité le spectre des hausses d'impôts "pour une génération" qu'il impute au Labour.
Les premières estimations donneront une idée du résultat dès la clôture des bureaux de vote à 22H00 (21H00 GMT), avant que les résultats ne s'égrènent jusqu'au petit matin.
- "Changement dans l'air" -
"Je me suis réveillée en pensant qu'il pourrait y avoir du changement dans l'air, même si je ne suis pas trop sûre", a déclaré à l'AFP Ianthe Jacob, une écrivaine de 32 ans fraîchement revenue à Londres après avoir vécu en Australie. "J'ai vraiment l'impression que tout a mal tourné dans ce pays", confie-t-elle aux abords d'un bureau de vote de l'est de la capitale britannique, citant l'état du système public de santé et la manière dont sont traitées les personnes trans. "Comment est-ce qu'un pays développé a pu tourner comme ça ?"
"On dirait qu'on va avoir une victoire écrasante du Labour", lâche Constance Jeffreys, 29 ans, qui n'a "connu que les conservateurs toute (sa) vie d'adulte". Prudente et avide d'espoir, elle attend de voir si une fois au pouvoir, le Labour "va faire ce qu'il dit".
Quelque 46 millions d'électeurs sont appelés aux urnes pour renouveler les 650 sièges de la Chambre des Communes, lors d'un scrutin uninominal à un tour qui favorise les grands partis.
Quelle sera l'ampleur de la victoire travailliste et celle de la défaite du Premier ministre Rishi Sunak? Comment va se traduire dans les urnes la percée du parti anti-immigration et anti-système Reform UK, porté par l'ancien champion du Brexit Nigel Farage?
Dans les sondages, les travaillistes caracolent à 40% en moyenne des intentions de vote contre 22% aux conservateurs, 16% pour le parti nationaliste Reform et 10% pour les libéraux-démocrates (centristes).
Selon la dernière étude de l'institut YouGov, le Labour obtiendrait 431 députés contre 102 pour les Tories - une majorité sans précédent au Royaume-Uni depuis 1832. Les Lib-Dem remporteraient 78 sièges et Reform trois, permettant à Nigel Farage d'entrer au Parlement après sept tentatives infructueuses.
- Pluie et gaffes -
Pour Rishi Sunak, cinquième Premier ministre conservateur depuis 2010, ces élections, déclenchées lors d'une annonce sous la pluie, marquent la fin d'une campagne qui a tourné au calvaire.
L'ancien banquier d'affaires et ministre des Finances de 44 ans a accumulé les bévues et semblé manquer de sens politique, écourtant sa présence aux célébrations du 80e anniversaire du Débarquement en Normandie et tardant à réagir aux soupçons de paris frauduleux dans son camp sur la date des élections.
En face, Keir Starmer a mis en avant ses origines modestes - mère infirmière et père outilleur - contrastant avec son adversaire multimillionnaire. Il a promis une gestion des dépenses publiques très rigoureuse, sans augmentation d'impôts pour la majorité des Britanniques.
Il compte sur une stabilité retrouvée, des interventions de l'Etat et des investissements dans les infrastructures pour relancer la croissance, et redresser des services publics éreintés par l'austérité.
Il veut se montrer ferme sur les questions migratoires et se rapprocher de l'Union européenne - sans la rejoindre.
Si sa prudence lui a permis d'engranger des soutiens dans les milieux d'affaires et une partie de la presse conservatrice tels que celui du tabloïd The Sun, tandis que le prestigieux quotidien The Times (centre-droit) a refusé, fait rarissime, de se prononcer. Il reproche jeudi au Labour de "ne pas dire la vérité" sur ses intentions une fois arrivé au gouvernement.
(S.G.Stein--BBZ)