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L'artiste et chorégraphe belge Jan Fabre, jugé pour "harcèlement sexuel" au sein de sa compagnie de danse saura vendredi matin s'il est condamné ou relaxé par le tribunal correctionnel d'Anvers (nord).
Une peine de trois ans de prison ferme a été requise contre le plasticien, figure de l'art contemporain. Jan Fabre, qui n'a pas assisté à son procès, récuse toutes les accusations portées contre lui.
Rattrapé par la vague #metoo en 2018, le Flamand de 63 ans, a été jugé pour "violence, harcèlement ou harcèlement sexuel au travail" à l'égard de 12 ex-collaboratrices de sa compagnie Troubleyn. Il a dû aussi répondre d'un "attentat à la pudeur" contre l'une d'elles. Des accusations pour lesquelles il encourt jusqu'à cinq ans de prison.
Le 25 mars, au premier jour du procès, il a été dépeint par les parties civiles comme un homme tyrannique, humiliant régulièrement les danseuses et ayant même pratiqué sur certaines d'entre elles un chantage à caractère sexuel.
"A la première répétition, il me dit que je suis grosse et bête", a raconté une jeune débutante tandis qu'une autre décrit "un univers de travail toxique" lors de l'enquête.
Plusieurs victimes présumées ont raconté des séances photo à caractère érotique dirigées par le chorégraphe, sous le "faux prétexte" d'une publication dans une revue artistique. Certaines séances se terminaient par des rapports sexuels.
Ignorer ses avances pouvait valoir des brimades et des brutalités, a témoigné l'une d'elle.
- "Culture de la peur" -
Après ce portrait accablant, trois ans de prison ferme ont été requis par la procureure. Celle-ci a jugé les témoignages des victimes "très crédibles" et reproché au chorégraphe d'avoir instauré "une culture de la peur" dans la compagnie.
Sa défense a livré une toute autre image de Jan Fabre, dépeint en "anar romantique", mais certainement "pas un criminel".
Son avocate Eline Tritsmans a admis le "fort caractère" de l'artiste connu pour ses provocations, et le fait que travailler avec lui "c'est se donner à 100%" dans des performances éreintantes où l'on vise "le vrai épuisement, les vraies émotions".
"Il ne s'agit pas ici de mineurs sans défense qui sont abusés mais de femmes fortes, éduquées, qui choisissent d'aller faire de la danse radicale avec Jan Fabre", a soutenu Me Tritsmans.
La pénaliste a fait projeter des enregistrements vidéo de répétitions en 2015 et 2017 où l'on voit le chorégraphe donner ses directives de manière ferme, mais en laissant place au débat. Comme lorsqu'une danseuse, en culotte sous sa tunique blanche, conteste devoir s'asseoir les jambes grandes ouvertes sur scène.
Me Tritsmans a défendu le fait que Fabre doive parfois crier sur ses troupes -"les coachs de foot le font tout le temps"-, ainsi que son usage de surnoms ou diminutifs. "Appeler +jambon+ Annabelle Chambon (danseuse française qui n'est pas partie civile, ndlr), oui on peut discuter l'humour, mais ce n'était pas mal reçu", a-t-elle assuré.
Accusation phare du dossier, résumant aux yeux des victimes présumées sa tendance au harcèlement, la formule "Pas de sexe, pas de solo" a été dénoncée par l'avocate comme "une rumeur, un cancan".
Les faits reprochés portent sur la période 2002-2018. En juin 2021, à l'issue de trois ans d'enquête, l'Auditorat du travail d'Anvers, section spécialisée du parquet, avait décidé de renvoyer Jan Fabre devant la justice pénale.
Les oeuvres (dessins, sculptures) de cet artiste protéiforme qui explorent les thèmes de la mort, de la métamorphose, de la religion ou des sciences ont été exposées régulièrement en Europe, de Venise à Paris en passant par Saint-Pétersbourg. En 2002, il avait revêtu le plafond de la salle des glaces du palais royal de Bruxelles d'1,4 million d'élytres de scarabées aux reflets bleu et vert, l'une de ses réalisations les plus connues.
(O.Joost--BBZ)