AEX
-3.2800
"Désolé" face à son échec à répondre aux aspirations des Britanniques, le Premier ministre conservateur Rishi Sunak a quitté vendredi Downing Street pour céder la place au travailliste Keir Starmer qui a permis à son parti d'obtenir une victoire écrasante aux élections législatives.
C'est la fin de 14 ans de règne conservateur, traversé par une succession de crises --austérité, Brexit, envolée des prix ou encore valse des Premiers ministres.
Sévèrement sanctionné dans les urnes, Rishi Sunak, 44 ans, a franchi en milieu de matinée le seuil du 10 Downing Street pour la dernière fois en tant que chef du gouvernement.
"Avant de présenter ma démission en tant que Premier ministre" au roi, "je voudrais dire, avant toute chose, que je suis désolé". "Vous avez envoyé le signal clair que le gouvernement du Royaume-Uni doit changer, et votre jugement est le seul qui compte", a-t-il déclaré, endossant la responsabilité de cet échec et annonçant qu'il allait démissionner de la tête du parti conservateur.
"J'ai entendu votre colère, votre déception", a poursuivi l'ancien banquier d'affaires, avant de monter en voiture avec son épouse Akashata Murty en direction du palais de Buckingham.
Après Rishi Sunak, Keir Starmer se rendra à son tour au palais où le roi doit lui demander de former un nouveau gouvernement. Il prononcera ensuite ses premiers mots en tant que Premier ministre en milieu de journée.
"Le changement commence maintenant", a-t-il déclaré à l'aube, réitérant sa promesse de "renouveau national". "Je ne vous promets pas que ce sera facile. Il ne suffit pas d'appuyer sur un bouton pour changer un pays. Cela demande un travail difficile", "patient", "déterminé", a-t-il dit.
Selon les résultats quasi-complets, le Labour a décroché 412 sièges, bien au-delà du seuil des 326 pour obtenir la majorité absolue à la Chambre des Communes et pouvoir gouverner seul. C'est juste en deçà du score historique de Tony Blair en 1997 (418).
Le parti conservateur ressort avec son pire résultat depuis le début du XXe siècle: 121 députés élus, contre 365 il y a cinq ans sous Boris Johnson.
Plusieurs poids lourds du parti conservateur ont été emportés par une vague de rejet. Parmi eux, l'ancienne Première ministre Liz Truss et les ministres de la Défense Grant Shapps ainsi que des Relations avec le Parlement Penny Mordaunt qui était vue comme une possible future cheffe de parti.
- "Choix difficiles" -
Keir Starmer le sait: les Britanniques l'attendent au tournant.
Après "ces derniers mois et années difficiles", Ramsey Sargent, 49 ans, a hâte "de voir ce qui va se passer". "Il y a une pression énorme sur le nouveau Premier ministre", souligne auprès de l'AFP cette femme de 49 ans.
Abdul Muqtvar, 40 ans, juge quant à lui que "la politique britannique n'a pas fait le moindre progrès depuis une dizaine d'années", "ce sera intéressant de voir comment le Labour s'en sort". "S'ils n'y arrivent pas, je pense que nous aurons un nouveau changement de gouvernement aux prochaines élections".
Tout au long de la campagne, Keir Starmer, entré en politique il y a seulement neuf ans, a promis le retour de la "stabilité" et du "sérieux", avec une gestion des dépenses publiques très rigoureuse.
Le futur gouvernement devra faire "des choix difficiles" face à "l'ampleur du défi", a prévenu Rachel Reeves, amenée à devenir ministre des Finances, une première pour une femme au Royaume-Uni.
Keir Starmer promet de transformer le pays comme il a redressé, sans états d'âme, le Labour après avoir succédé au très à gauche Jeremy Corbyn en 2020, recentrant le parti sur le plan économique et luttant contre l'antisémitisme.
Il assure vouloir relancer la croissance, redresser les services publics, renforcer les droits des travailleurs, réduire l'immigration et rapprocher le Royaume-Uni de l'Union européenne --sans revenir sur le Brexit, sujet tabou de la campagne.
Après la victoire de son parti, il a reçu les félicitations du président ukrainien Volodymyr Zelensky, pour qui les deux pays seraient alliés "contre vents et marées".
Le président français Emmanuel Macron a également congratulé Keir Starmer, après leur "premier échange". "Nous allons poursuivre le travail (...) pour notre coopération bilatérale, pour la paix et la sécurité de l'Europe, pour le climat et l'IA", a écrit sur X M. Macron.
- Droite dure -
Dans ce Parlement totalement redessiné, les libéraux-démocrates (centristes) redeviennent la troisième force, avec 71 députés.
Bouleversement de taille, le parti anti-immigration et anti-système Reform UK fait son entrée au Parlement avec quatre sièges. Son chef, la figure de la droite dure Nigel Farage, devient député à sa huitième tentative.
L'ancien héraut du Brexit a salué le début d'une "révolte contre l'establishment".
En Ecosse, les indépendantistes du Scottish National Party subissent un sérieux revers: ils n'emportent que neuf des 57 circonscriptions.
Les Verts remportent quatre sièges, contre un seul auparavant, dans une Chambre des Communes qui comptera un nombre record d'au moins 261 femmes, contre 220 en 2019.
(T.Burkhard--BBZ)