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Au volant d'une fourgonnette électrique jaune beurre frais, Corentin Belot sillonne la banlieue de Lille pour sa seconde tournée de la journée, chargé de boissons consignées qu'il dépose sur les pas de porte.
Ce modèle de livraison a de nouveau la cote sur le sol français, grâce au numérique.
La société Le Fourgon – qui emploie ce chauffeur-livreur tourquennois de 29 ans – propose plusieurs créneaux de livraison quotidiens, réservables en ligne par zone géographique. Sur son smartphone, Corentin doit alors suivre un parcours optimisé selon les différents points d'arrêt, dans un temps et un périmètre réduits.
Cette jeune pousse âgée d'à peine un an met en avant le "zéro déchet" associé à "zéro contrainte" : les clients reçoivent leurs caisses de boissons en échange des contenants vides de leur précédente commande.
Un concept qui séduit particulièrement les familles.
Ce mardi, à La Chapelle d'Armentières, Olivier Gaillegue refait ses stocks de lait entier et de jus de pomme. Cinq personnes à la maison, c'est "trop de plastique" et des "poubelles qui débordent rapidement", explique le quinquagénaire.
"Et puis, ce n'est pas plus cher que le drive", ajoute cet homme auparavant habitué à prendre sa voiture pour les courses lourdes et volumineuses.
La jeune pousse lilloise revendique 85% de son offre à prix de supermarché, sans compter la consigne d'environ cinq euros par caisse de douze bouteilles.
De nombreux produits – jus, lait, eau minérale, bière... – viennent de la région ou de la Belgique tout proche, où la consigne est reine.
Mais Le Fourgon propose aussi des marques de grande consommation, sur lesquelles elle n'est toutefois pas en mesure d'être moins chère que les grandes surfaces.
La livraison par tournées était autrefois pratiquée par les brasseurs ou les laitiers avant d'être mise à mal par l'arrivée de l'emballage plastique à usage unique, préféré à la consigne de réemploi.
Sa renaissance dans les zones périurbaines n'entre pas en concurrence avec les offres de livraison ultra rapide – "quick commerce" – qui se développent dans les centres des grandes villes.
Pourquoi maintenant ? La question écologique est davantage au cœur des préoccupations, et le numérique "optimise la livraison et la logistique d'un système qui a déjà fait ses preuves", estime l'expert en consommation Philippe Goetzmann.
Mais ce modèle économique ne peut fonctionner que sur de courtes distances incluant des acteurs locaux qui pratiquent la consigne afin de garder un bilan carbone vertueux.
– Coûts réduits –
Le Fourgon a séduit près de 7.000 clients en France en un an, avec six hubs de livraison desservant Lille, Dunkerque, plusieurs villes du bassin minier, Nantes, puis bientôt Amiens et Rennes.
Selon Clément Génelot, spécialiste de la distribution chez Bryan, Garnier & Co, le modèle économique de la tournée lui permet "d'être rentable avant les autres", en diminuant les coûts de livraison.
Le "quick commerce", ou la livraison classique de la grande distribution, doivent à l'inverse amortir des frais plus importants.
Paris ? "Pas dans notre stratégie", affirme Charles Christory, l'un des trois cofondateurs du Fourgon : des problèmes de circulation et de stationnement perturberaient la fluidité des tournées.
Un bon calcul, selon Clément Génelot, qui conseille à ces nouveaux acteurs d'éviter "les régions Île-de-France ou Rhône-Alpes, bientôt attaquées par de gros acteurs comme Picnic".
Cette entreprise néerlandaise avait adapté le modèle de la tournée dans son pays d'origine, avant de l'étendre en Allemagne et dans le nord de la France, mais avec une offre digne d'un supermarché, allant des produits frais aux produits d'hygiène.
Elle boxe dans une autre catégorie, avec un milliard d'euros de chiffre d'affaires en 2021, qu'elle entend "doubler en 2022", selon Grégoire Borgoltz, responsable de l'expansion de Picnic dans l'Hexagone.
Des acteurs similaires au Fourgon bourgeonnent en France, comme Le Marché Moderne à Lille, ou encore La Tournée.
Lancée fin 2021, cette dernière dessert dix-huit villes plutôt aisées de l'ouest de la capitale et propose des boissons de type supermarché bio, mais aussi de la lessive, avec l'objectif d'élargir son offre à l'avenir.
(F.Schuster--BBZ)