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La soumission chimique, au cœur du procès hors norme de viols en série qui s'ouvre en Avignon lundi pour quatre mois, est un fléau qui sévit autant dans la sphère festive que dans la sphère privée.
- De quoi s'agit-il? -
La soumission chimique consiste en l'administration "à des fins criminelles de substances psychoactives à l’insu de la victime ou sous la menace, pour commettre un crime ou un délit", selon la définition de l'agence nationale de santé (ANSM).
En France, les substances les plus utilisées sont les antihistaminiques et sédatifs, les benzodiazépines et apparentés, utilisés comme anxiolytiques ou somnifères, ou encore les antidépresseurs et opioïdes.
"Dans tous les cas, l'objectif de l'agresseur est le même: que vous ne soyez plus en capacité d'opposer une résistance", explique Leïla Chaouachi; rapporteure de l'enquête annuelle sur le sujet auprès de l’ANSM.
"Soit l'agresseur vous drogue à votre insu ou sous la menace, soit il vous laisse vous alcooliser ou vous droguer vous-même et il passe à l'acte quand il voit que vous n'êtes plus en mesure de vous défendre", ajoute-t-elle.
- Quelle ampleur? -
A l'heure actuelle, le nombre de cas reste difficilement quantifiable.
En se basant principalement sur les plaintes, l'ANSM recense chaque année depuis 2003 les molécules utilisées par les agresseurs et leur mode opératoire.
Selon la dernière enquête, portant sur 2021, 727 "signalements suspects", 82 "soumissions chimiques vraisemblables" et 354 "soumissions chimiques possibles" ont été recensées cette année-là.
Les agressions sexuelles sont toujours les signalements les plus mentionnés (75,5%), suivies par des violences physiques (6,3%) et des vols (5,1%).
Mais ces cas recensés ne représentent probablement qu'une partie de la réalité - le dépôt de plainte, toujours difficile en matière d'agression sexuelle, l'étant encore plus quand la victime souffre d'amnésie.
- Quelles actions? -
Le terme de soumission chimique n'existe pas tel quel dans le droit pénal mais depuis 2018 le fait d'administrer à une personne, à son insu, une substance afin de commettre à son égard un viol ou une agression sexuelle est puni de cinq ans de prison et 75.000 euros d'amende.
Deux affaires judiciaires ont récemment mis en lumière cette dérive dans la sphère privée.
La première - un homme accusé d'avoir pendant près de dix ans drogué sa femme et de l'avoir livrée à des inconnus qui l'ont agressée sexuellement ou violée - est au cœur du procès qui se tiendra à partir de lundi en Avignon.
En novembre 2023, la problématique franchit le seuil du Parlement. La députée Sandrine Josso porte plainte contre le sénateur Joël Guerriau, qu'elle accuse de l'avoir droguée en vue de l'agresser sexuellement.
Elle a par la suite été chargée par le gouvernement d'une mission pour lutter contre la soumission chimique, mission suspendue sine die par la dissolution de l'Assemblée et la démission du gouvernement Attal.
Il y a pourtant beaucoup de choses à faire, insistait en janvier auprès de l'AFP Caroline Darian, la fille de la femme victime dans le procès d'Avignon et fondatrice de l'association "M'endors pas".
Il faut davantage former les professionnels de santé à la question, sensibiliser davantage le grand public à l'importance de l'analyse toxicologique et du dépôt de plainte, soulignait-elle notamment.
(K.Lüdke--BBZ)