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Le crash d'un A310 au large des Comores en 2009 avait tué 152 personnes, laissant une seule survivante de 12 ans. La compagnie nationale yéménite qui opérait l'avion est jugée à Paris à partir de lundi, treize ans après les faits.
Dans la soirée du 29 juin 2009, le vol Yemenia 626 s'apprête à atterrir à Moroni, la capitale des Comores, avec à son bord 11 membres d'équipage et 142 passagers, dont 66 Français. Partis de Paris ou Marseille, ils ont changé d'avion à Sanaa, au Yémen.
Mais à quelques kilomètres de la côte, à 22h53 locales, il heurte l'océan Indien, moteurs à pleine puissance, avant de s'enfoncer dans l'eau. L'accident emportera la vie de tous les occupants de l'appareil, à l'exception d'une miraculée.
Bahia Bakari survit en restant agrippée en mer pendant onze heures à un débris, avant d'être secourue par un bateau de pêche le lendemain du crash.
Durant quatre semaines, le tribunal correctionnel de Paris va examiner les responsabilités, dans cet accident, de la compagnie Yemenia Airways, qui encourt 225.000 euros d'amende pour homicides et blessures involontaires.
"Treize ans, c'est long : c'est épuisant psychologiquement et moralement et même physiquement", déclare à l'AFP Saïd Assoumani, président de l'association des victimes. "Mais après treize ans d'attente et d'impatience, enfin le procès pénal est là."
Les familles feront cependant face à un banc des prévenus vide : aucun représentant de la compagnie, qui conteste tout "manquement", ne devrait se déplacer à cause de la guerre qui fait rage au Yémen, selon son avocat.
– "Formation lacunaire" –
Les boîtes noires avaient été repêchées quelques semaines après ce crash qui reste le plus grave de l'histoire des Comores, archipel situé entre le Mozambique et Madagascar, mais l'enquête est longtemps restée enlisée.
Les autorités françaises ont un temps reproché à leurs homologues comoriennes leur non-coopération, tandis que les familles des victimes ont accusé le Yémen de faire pression pour empêcher la mise en cause de sa compagnie nationale.
Si la vétusté des avions de la Yemenia était dénoncée de longue date par des passagers, les investigations ont conclu que l'état de l'appareil, un Airbus sorti d'usine en 1990, n'était pas en cause – ni la météo, la foudre ou un missile.
Selon les expertises, fondées en particulier sur les enregistreurs de vol, l'accident est dû aux "actions inadaptées de l'équipage dans le cadre de l'approche de l'aéroport de Moroni, conduisant à la perte de contrôle de l'avion".
"Au-delà de ces dramatiques erreurs imputables aux pilotes", cependant, les magistrats instructeurs ont considéré que la Yemenia avait "failli à bien des égards".
Il lui est reproché d'avoir maintenu les vols de nuit pour Moroni, malgré les pannes de longue date des feux de balisage de l'aéroport, ainsi que des "insuffisances" dans la formation des pilotes, qualifiée de "lacunaire".
– "Trou noir" –
"La Yemenia reste profondément marquée par cette catastrophe, en particulier pour les victimes, néanmoins elle proteste de son innocence en indiquant qu'elle n'est nullement responsable des faits qui sont intervenus", soutient son avocat Me Léon-Lef Forster.
"Il y a eu des dysfonctionnements, mais qui ne lui sont pas imputables et qui apparaîtront lors de l'audience", assure-t-il.
Quelque 560 personnes sont constituées parties civiles, dont beaucoup de la région de Marseille, où résidaient de nombreuses victimes. La retransmission des débats est prévue au tribunal judiciaire de la cité phocéenne.
L'unique rescapée, qui a perdu sa mère dans le crash, doit témoigner le 23 mai.
Au fil de reportages et dans un livre, Bahia Bakari a décrit avoir ressenti, à l'approche de l'aéroport, des "turbulences", avoir été comme "électrisée" puis avoir eu un "trou noir" avant de se retrouver dans l'eau, où elle a entendu "des femmes crier".
Les proches des victimes ont la "volonté de comprendre", souligne Me Claude Lienhard, avocat de parties civiles.
L'absence de représentant de la Yemenia, qui a récemment failli reprendre les vols commerciaux à Sanaa au profit d'une trêve dans la guerre, est "profondément regrettable", poursuit-il, s'indignant d'un "procès tronqué".
Parallèlement, après des années de "bataille judiciaire", environ deux tiers des ayant-droits ont été indemnisés, selon l'association qui les représente.
(B.Hartmann--BBZ)