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Vivendi a lancé son offre publique d'achat sur le groupe Lagardère mais Arnaud Lagardère n'est pas prêt à quitter le terrain: il vient d'annoncer un projet visant à s'arroger à nouveau un contrôle renforcé sur ses radios, notamment Europe 1, une station pour laquelle Vincent Bolloré n'a jamais caché son intérêt.
A la surprise générale, Lagardère a annoncé mardi étudier "un projet visant à confirmer l'autonomie" de son pôle radio, qui comporte la généraliste Europe 1, aujourd'hui au plus bas des audiences, et les deux musicales Virgin Radio et RFM.
Selon un communiqué, elles pourraient être "regroupées sous une société en commandite par actions" contrôlée par Arnaud Lagardère, qui avait perdu en 2021 les pleins pouvoirs sur le groupe qui porte son nom.
Le dirigeant connaît bien cette forme de société atypique, qui constitue un rempart contre les prises de contrôle actionnariales. Il était lui-même devenu gérant-commandité de Lagardère après le décès de son père Jean-Luc, fondateur de l'empire industriel présent dans l'édition (Hachette), les médias et la défense.
Acculé par un lourd endettement personnel, Arnaud Lagardère n'avait accepté sa transformation en société anonyme classique qu'après une longue lutte actionnariale et en échange d'une importante compensation financière et d'un mandat de PDG jusqu'en 2027.
Les opérations évoquées mardi devront "être financièrement neutres pour le groupe Lagardère" (qui deviendrait associé-commanditaire), selon le communiqué, et validées d'ici l'été 2022 par le conseil d'administration, puis par les autorités compétentes.
- Agrément de l'Arcom -
Pour le groupe Vivendi, contrôlé par Vincent Bolloré et qui détient déjà 45% du capital et 3 sièges au conseil d'administration de Lagardère, l'opération pourrait permettre de faciliter l'obtention d'un agrément de l'Arcom (ex-CSA) nécessaire en cas de changement d'actionnariat indirect des radios.
Le géant des médias a d'ailleurs expliqué à l'AFP être "tout à fait d'accord avec la démarche de Lagardère", ajoutant que "c'était prévu dans nos accords pour conserver l'intégrité du groupe".
De son côté, le régulateur français des médias a assuré à l'AFP "examiner avec attention le projet annoncé aujourd'hui" par Lagardère "une fois reçues des informations précises de la part du groupe", et rester "attentif à l'indépendance des rédactions et à toutes les mesures prises par les groupes audiovisuels pour la garantir".
Car l'annonce est un changement de cap pour Arnaud Lagardère, qui avait "toujours expliqué qu'il y avait une cohérence industrielle à avoir un pôle média regroupant les radios, le JDD et Paris Match", les deux autres titres de presse du groupe, a réagi de son côté l'expert des médias Philippe Bailly.
En juin 2021, Arnaud Lagardère avait soutenu publiquement le rapprochement d'Europe 1 avec le groupe Canal+, filiale de Vivendi et propriétaire de la chaîne d'information très droitière CNews, le projet rêvé de Vincent Bolloré.
- "Défiance" -
Les deux médias ont déjà commencé à tisser des liens, avec notamment des programmes et des animateurs communs, au grand dam des journalistes, nombreux à avoir quitté l'antenne après une grève inédite.
"Ce montage apparaît comme une forme de défiance" à l'égard de Vivendi, a ainsi relevé M. Bailly, alors que l'OPA a toujours été présentée comme amicale.
Dimanche soir, le fonds souverain du Qatar (QIA), actionnaire historique de Lagardère avec 11,5% des actions, avait aussi manifesté son intention de ne pas apporter ses titres à l'opération. "Il s'agit peut-être de deux signaux envoyés à Vivendi pour demander un relèvement de son offre", a analysé M. Bailly, interrogé par l'AFP.
Arnaud Lagardère avait indiqué qu'il n'apporterait pas ses titres (11% des parts) à l'"offre principale", ouverte jusqu'au 20 mai avec réouverture possible jusqu'au 14 juin, au prix de 25,5 euros par actions. Il s'était en revanche dit prêt à participer à l'"offre subsidiaire", ouverte jusqu'à fin 2023 au prix plancher de 24,1 euros.
Le patron de LVMH, Bernard Arnault, qui détient près de 10% du groupe via la Financière Agache, a lui fait part de sa volonté d'apporter 2% du capital à l'offre principale et le solde à l'offre subsidiaire, une manière de soutenir le projet et de ne pas passer pour celui qui aura vendu le groupe à Bolloré.
Cette OPA devrait aussi permettre à Vivendi de mettre la main sur le leader de l'édition française, Hachette Livre, qu'il compte marier à son propre groupe d'édition, Editis, une opération qui reste soumise aux autorités européennes de la concurrence, ainsi que sur son réseau de boutiques dans des gares et des aéroports.
(U.Gruber--BBZ)