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"Nous sommes collectivement sur une ligne de crête". Michel Barnier s'est pour la première fois exprimé mardi devant l'Assemblée nationale, en prononçant une déclaration de politique générale largement tournée vers le redressement des finances publiques.
L'Assemblée nationale ne s'était pas réunie depuis la mi-juillet et la reconduction au perchoir de la présidente (Renaissance) Yaël Braun-Pivet. Après une minute de silence en hommage à Philippine, jeune étudiante tuée il y a dix jours à Paris, l'hémicycle a rapidement retrouvé ses habitudes bruyantes et dissipées.
Les députés de La France insoumise ont brandi leurs cartes d’électeurs en signe de protestation contre la nomination du Premier ministre venu de la droite, alors que le bloc de gauche était arrivé en tête à l'issue des élections législatives, mais loin de la majorité absolue.
Costume bleu et ruban rose au revers, diction lente, imperturbable aux tentatives d'interruption, Michel Barnier, à Matignon depuis 26 jours, a planté d'emblée le décor: "Nous sommes collectivement sur une ligne de crête", avec l'"épée de Damoclès" d'une "dette financière colossale".
Premier engagement: ramener le déficit à 5% du PIB en 2025, et "remettre notre pays sur la bonne trajectoire pour revenir sous le plafond de 3% en 2029", a prescrit le Premier ministre, alors que le déficit devrait atteindre 6% cette année.
"Le premier remède de la dette, c'est la réduction des dépenses" et "en 2025, les deux tiers de l'effort de redressement viendra de là", a-t-il ajouté.
Deuxième "remède": "L'efficacité des dépenses". Le troisième remède sera le plus douloureux: le levier fiscal.
"Nos impôts sont parmi les plus élevés du monde" mais "la situation de nos comptes demande aujourd'hui un effort limité dans le temps qui devra être partagé, dans une exigence de justice fiscale". A savoir une participation demandée "aux grandes entreprises qui réalisent des profits importants", ainsi qu'"une contribution exceptionnelle aux Français les plus fortunés", a annoncé M. Barnier.
"Comme c'est son rôle, je souhaite que le Parlement débatte, ajuste, améliore", a-t-il ajouté.
M. Barnier a également mentionné, comme lors de son arrivée à Matignon, la "dette écologique", citant Pierre Mendes France et confirmant la poursuite du développement du nucléaire, "mais aussi des énergies renouvelables".
-Pas de vote de confiance-
M. Barnier ne sollicitera pas de vote de confiance des députés, à l'instar de ses prédécesseurs Élisabeth Borne et Gabriel Attal, privés comme lui de majorité absolue.
La marge de manœuvre de Michel Barnier est très étroite. A l'absence de majorité s'ajoute une situation financière explosive, alors que le déficit risque d'atteindre 6% du PIB cette année, loin des 3% fixés par Bruxelles.
Ses alliés du bloc macroniste exhortent aussi le Premier ministre à ne pas détricoter la politique notamment fiscale menée depuis sept ans.
Le chef de file des Républicains (LR) à l'Assemblée nationale, Laurent Wauquiez, a affirmé mardi qu'il pourrait accepter des hausses d'impôts "temporaires, exceptionnelles et justes", en contrepartie "d'économies massives", critiquant au passage les réticences de Gérald Darmanin sur les hausses d'impôts après avoir "exercé des responsabilités pendant sept ans".
Pour préparer sa feuille de route, Michel Barnier avait reçu la semaine dernière les forces syndicales et patronales. Il a aussi organisé un séminaire gouvernemental, qui visait surtout à développer un esprit d'équipe après plusieurs couacs entre ses ministres.
A peine nommé à l'Intérieur, Bruno Retailleau, issu comme M. Barnier du parti de droite LR, a engagé un bras de fer avec le ministre de la Justice venu de la gauche, Didier Migaud, obligeant Michel Barnier à les réunir pour travailler sur des "lignes communes".
Comme dans la matinée en Conseil des ministres, Michel Barnier devait également rappeler, en réponse à son ministre, son "attachement" à l'Etat de droit "qui protège chaque citoyen de l'arbitraire", selon la porte-parole du gouvernement, Maud Brégeon.
- "La chance au produit" -
Mais durant le week-end, le premier flic de France a allumé un nouvel incendie en s'exprimant sur la sécurité et l'immigration, qu'il a tenté d'éteindre mardi.
La présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, s'est dite, comme plusieurs autres membres du camp présidentiel, "très inquiète" de ses sorties sur l'Etat de droit. Le ministre LR s'est aussi attiré les critiques du procureur général près la Cour de cassation, Rémy Heitz.
Outre la pression des siens, Michel Barnier subit celle de l'extrême droite qui l'a mis "sous surveillance" et qui peut le faire tomber à tout moment en votant une motion de censure de la gauche. Le Rassemblement national (RN) a fait savoir qu'il ne devrait pas voter celle qui sera déposée dès cette semaine par les socialistes.
La gauche dénonce toujours la nomination de Michel Barnier à un poste qu'elle estimait lui revenir après des législatives, où elle est arrivée en tête. "C'est très choquant de voir que le Premier ministre est issu d'un parti ultra minoritaire", a dénoncé la cheffe de file des députés insoumis Mathilde Panot.
Côté syndical, trois organisations (CGT, FSU, Solidaires et une partie de FO) manifestent mardi dans plus de 180 villes pour réclamer une abrogation de la réforme des retraites et une hausse des salaires.
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(K.Müller--BBZ)