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Les Tunisiens continuaient de se rendre aux urnes dimanche pour un scrutin présidentiel, dont le chef d'Etat sortant Kais Saied, accusé de "dérive autoritaire", est considéré comme favori, après l'élimination de ses concurrents les plus sérieux.
Les 9,7 millions d'électeurs (sur 12 millions d'habitants) sont attendus dans plus de 5.000 bureaux ouverts de 8H00 (7H00 GMT) à 18H00, avec des résultats prévus "au plus tard mercredi", selon l'autorité électorale Isie.
Dans le berceau des révoltes pro-démocratie du Printemps arabe en 2011, seuls deux candidats - considérés comme des seconds couteaux par les experts - ont été autorisés à affronter M. Saied, 66 ans, sur initialement 17 postulants, écartés pour des irrégularités présumées.
Le président de l'Isie Farouk Bouasker a annoncé à mi-journée un taux de participation de 14,2% à 13H00 (12H00 GMT).
L'affluence est déjà "plus élevée", selon un porte-parole de l'Isie, Mohamed Tlili Mnasri, qu'aux législatives de 2023 (11,7%), marquée par un record d'abstention depuis l'avènement de la démocratie en 2011. Et "elle devrait dépasser les 30%", s'est réjoui M. Tlili, soit le même niveau, pourtant jugé faible à l'époque, du vote référendaire promu en 2022 par Kais Saied pour réviser la Constitution et rétablir un régime ultra-présidentialiste.
Dès l'ouverture, plusieurs bureaux du centre ville ont connu une affluence nourrie, surtout de personnes d'âge mur ou âgées, très peu de jeunes, a noté l'AFP.
M. Saied a voté avec son épouse dans son centre habituel du quartier aisé d'Ennasr où la présidente du bureau Aycha Zidi a noté un "flux très respectable" de votants.
- Le "moins pire" -
Le président sortant affronte deux concurrents: Zouhair Maghzaoui, 59 ans, un ex-député de la gauche panarabiste, et Ayachi Zammel, 47 ans, un industriel libéral inconnu du grand public, qui n'a pas pu faire campagne car il est emprisonné depuis début septembre et sous le coup de trois condamnations à plus de 14 ans de prison pour des soupçons de faux parrainages.
En votant dans le centre ville, Hosni Abidi, 40 ans, dit craindre une manipulation des urnes: "je ne veux pas qu'on choisisse à ma place, je veux cocher moi-même la case de mon candidat".
Porteur d'un projet de gauche souverainiste similaire au président Saied et considéré comme "un faire valoir", M. Maghzaoui a appelé les Tunisiens "à voter en masse" pour que "la Tunisie soit gagnante", en déposant son bulletin tout sourire sous les flashs des photographes.
Wajd Harrar, une étudiante de 22 ans, "trop jeune pour voter" en 2019 estime qu'à l'époque, "les gens ont choisi un mauvais (président), mais je vais donner ma voix au moins pire des candidats".
Le président "a verrouillé le scrutin" et devrait le "remporter haut la main", affirme l'expert de l'International Crisis Group, Michaël Ayari.
La sélection même des candidats a été contestée pour le nombre élevé de parrainages exigé, l'emprisonnement de candidats potentiels connus, et l'éviction par l'Isie des rivaux les plus solides du président.
M. Saied, élu en 2019 à près de 73% des voix (et 58% de participation), était encore populaire quand ce spécialiste de droit constitutionnel à l'image d'incorruptible s'est emparé des pleins pouvoirs à l'été 2021, promettant l'ordre face à l'instabilité politique.
Trois ans plus tard, beaucoup de Tunisiens lui reprochent d'avoir consacré trop d'énergie à régler ses comptes avec ses opposants, en particulier le parti islamo-conservateur Ennahdha, dominant sur la décennie de démocratie ayant suivi le renversement du dictateur Ben Ali en 2011.
- "Nouvelle Tunisie" -
Depuis 2021, les ONG tunisiennes et étrangères et l'opposition dont les figures de proue ont été arrêtées, dénoncent une "dérive autoritaire" de M. Saied, via un démantèlement des contrepouvoirs et un étouffement de la société civile avec des arrestations de syndicalistes, militants, avocats et chroniqueurs politiques.
Selon Human Rights Watch, "plus de 170 personnes sont actuellement détenues pour des motifs politiques ou pour avoir exercé leurs droits fondamentaux".
Le président Saied jouit encore "d'un soutien non négligeable dans les classes populaires", selon M. Ayari, mais il est "critiqué pour son incapacité à sortir le pays d'une profonde crise économique".
Avant le vote, M. Saied a promis une "traversée...vers une nouvelle Tunisie" dans les cinq ans à venir, après un premier mandat consacré à lutter "contre les forces du complot sous influences étrangères" ayant "infiltré de nombreux services publics et perturbé des centaines de projets".
(S.G.Stein--BBZ)