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La Russie a continué de pilonner samedi l'est de l'Ukraine et affirmé avoir détruit avec des missiles de croisière un stock d'armes livrées par les Occidentaux, au moment où le président américain Joe Biden signait la loi apportant une nouvelle aide gigantesque de 40 milliards de dollars à Kiev.
A Kiev, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a averti dans une interview que la phase actuelle de la guerre, où les russes concentrent leurs efforts dans l'est, "sera sanglante", mais qu'in fine elle devra se résoudre "via la diplomatie".
"Les discussions entre l'Ukraine et la Russie auront forcément lieu", a-t-il déclaré à la télévision ukrainienne ICTV, alors que des pourparlers ébauchés en Turquie il y a quelques semaines sont restées lettre morte.
"Ce sont nos territoires, et pas à pas nous libèrerons nos territoires", a-t-il ajouté quelques heures plus tard lors d'une conférence de presse avec le Premier ministre portugais Antonio Costa, auquel il a répété que l'Ukraine avait à ce stade surtout "besoin de blindés".
La Russie a affirmé pour l'heure avoir frappé avec des missiles de croisière dans le nord-ouest du pays un important stock d'armes fournies par les Occidentaux à l'Ukraine.
- "Contre-sanctions" russes -
"Des missiles Kalibr à longue portée et de haute précision, lancés depuis la mer, ont détruit un important envoi d'armes et d'équipements militaires fournis par les Etats-Unis et des pays européens, près de la gare de Malin, dans la région de Jytomyr", a affirmé le ministère russe de la Défense. Il n'était pas possible de vérifier cette information de source indépendante.
De son côté, le président américain Joe Biden a signé, pendant une visite officielle à Séoul, la loi adoptée jeudi par le Congrès apportant une gigantesque enveloppe de 40 milliards de dollars en soutien à l'Ukraine, notamment pour son effort de guerre.
Volodymyr Zelensky s'est félicité dans un tweet, en ukrainien et en anglais, du déblocage d'une aide "aujourd'hui plus nécessaire que jamais".
Moscou a de son côté diffusé dans la foulée une nouvelle liste de 963 personnalités américaines interdites d'entrée en Russie. Ces "contre-sanctions" visent à "contraindre le pouvoir américain en place, qui essaye d'imposer au reste de la planète un +ordre mondial+ néocolonial (...) à changer sa position et à reconnaître de nouvelles réalités géopolitiques", selon le ministère russe des Affaires étrangères.
Aux noms d'une poignée de responsable dont le président Joe Biden, son secrétaire d'Etat Antony Blinken, le chef du Pentagone Lloyd Austin ou le PDG de Meta Mark Zuckerberg, la nouvelle liste ajoute des responsables gouvernementaux, des parlementaires, mais aussi des membres de la société civile. Jusqu'à l'acteur hollywoodien Morgan Freeman, à qui il est reproché d'avoir enregistré en 2017 une vidéo où il affirmait que la Russie orchestrait un "complot" contre les Etats-Unis.
Sur le terrain, après avoir échoué à prendre le contrôle de Kiev et sa région fin février et en mars, les troupes russes concentrent désormais leurs efforts dans une offensive contre l'est de l'Ukraine, où les combats sont intenses.
Vendredi, le ministère ukrainien de la Défense avait souligné que la situation dans cette région "montrait des signes d'aggravation" avec un "feu intense" des forces russes "sur toute la ligne de front".
Sept civils ont été tués et 10 blessés samedi dans la région de Donetsk, a ainsi annoncé samedi sur Telegram son gouverneur Pavlo Kyrylenko.
- Eglise bombardée -
La police ukrainienne a indiqué sur son compte Facebook avoir évacué une soixantaine de personnes, dont des enfants, d'une église bombardée à Bogorodytchné, un village de la région. Il n'y a pas eu de victimes, selon la même source.
Plus au nord, le gouverneur de la région de Kharkiv (nord-est), Oleg Sinegoubov, a déclaré que des localités des alentours de cette ville avaient été visées par de nombreux tirs d'artillerie au cours des dernières 24 heures, qui ont fait un mort et 20 blessés.
Près de Kharkiv, la deuxième ville du pays proche de la frontière russe, l'heure était samedi aux enterrements dans le carré militaire du cimetière de Bezlioudikova, un village libéré il y a un mois au prix de violents combats.
"Ils ont été retrouvés avec cinq autres corps qu'on n'a pas pu identifier. On soupçonne qu'ils ont été exécutés. Ils ont été tués de balles à l'arrière de la tête", confie sous couvert d'anonymat un militaire sur place, à propos des deux premiers soldats enterrés. Il n'était pas possible dans l'immédiat d'en savoir plus ou de vérifier ces soupçons.
A Rivne (nord-ouest), un missile russe a ciblé une "infrastructure militaire" dans la ville, a déclaré sur Telegram le gouverneur régional, Vitaliï Koval. Proche de la frontière polonaise, cette ville a très rarement été attaquée depuis le début du conflit.
Dans la ville martyre de Marioupol (sud-est), largement détruite par le conflit, près de 2.500 hommes des forces ukrainiennes se sont constitués prisonniers cette semaine, selon les russes.
Ces résistants, qui étaient restés retranchés des semaines sous les bombes dans le complexe sidérurgique Azovstal après la prise de la ville par les Russes, "seront ramenés à la maison", a promis Volodymyr Zelensky dans son interview à ICTV, en évoquant des discussions en cours avec la France, la Turquie et la Suisse à ce sujet, sans plus de détails.
Cette ultime poche de résistance dans le port stratégique sur la mer d'Azov, est "passé sous le contrôle complet des forces armées russes" après la reddition des derniers soldats ukrainiens, a indiqué vendredi soir le porte-parole du ministère russe de la Défense.
Kiev récuse le terme de reddition, évoquant une opération visant au "sauvetage de nos héros" et à leur échange contre des prisonniers russes.
- "Pas d'alternative" à l'UE -
Sur le terrain diplomatique, le président ukrainien est revenu samedi sur l'avenir européen de son pays, rejetant une nouvelle fois la proposition de "communauté politique européenne" de son homologue français Emmanuel Macron.
"Nous n'avons pas besoin d'alternatives à la candidature de l'Ukraine à l'Union européenne (UE), nous n'avons pas besoin de tels compromis", a-t-il déclaré lors de sa conférence de presse avec le Premier ministre portugais.
"Parce que, croyez-nous, ce ne seront pas des compromis avec l'Ukraine en Europe, ce sera un autre compromis, entre l'Europe et la Russie", a-t-il poursuivi.
M. Macron avait présenté le projet de "la communauté politique européenne" le 9 mai en plein débat sur le lancement du processus d'adhésion de l'Ukraine à l'UE, expliquant qu'il faudrait "des décennies" à l'Ukraine pour rejoindre l'UE.
De son côté, la Finlande, membre de l'Union européenne, a vu son approvisionnement en gaz russe coupé samedi par le géant Gazprom, qui argue qu'Helsinki a refusé ses nouvelles conditions de devoir le payer en roubles.
La compagnie finlandaise Gasum a assuré pouvoir obtenir du gaz d'autres fournisseurs et poursuivre "normalement" ses activités.
Le pays nordique, déjà privé depuis la mi-mai de ses importations d'électricité russe, a suscité la colère de Moscou tout comme la Suède en décidant de demander son adhésion à l'Otan. La Finlande rejoint ainsi la Pologne et la Bulgarie parmi les pays auxquels Gazprom a coupé le gaz parce qu'ils refusaient de payer en roubles, comme il l'a demandé en avril.
(S.G.Stein--BBZ)