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Troquant son bleu de travail pour le costume de M. Loyal, un agriculteur tarnais a sauvé la ferme familiale exsangue en la transformant en un cabaret, qui a même inspiré un livre, puis un film à l'écran depuis un mois.
"On émerveille à la fois les pupilles et les papilles, c'est ça la formule magique des Folies fermières!", s'enthousiasme David Caumette, 39 ans, en contemplant la centaine de spectateurs attablés chez lui, dans le premier "cabaret à la ferme" de France.
La réussite de la "formule magique" était pourtant loin d'être évidente en 2007. La mort dans l'âme, ses parents s'apprêtaient à vendre les bêtes élevées sur ces terres où la famille est installée depuis plus d'un demi-siècle.
Leur fils David quitte alors son poste de directeur d'exploitation d'un lycée agricole pour "sauver la ferme".
Cet hyperactif y développe une multitude de projets: polyculture, boutique de produits locaux, ferme-auberge, avant de parvenir en 2013 à son modèle "ABC": "A comme Agriculture, B comme Boutique des producteurs et C comme Cabaret".
- Circuit court -
L'agriculteur au physique imposant, passionné de rugby, endosse peu à peu le rôle d'impresario pour les magiciens, danseuses et chanteuses qui viennent animer la salle de spectacle édifiée sur ses terres.
Le sens de la fête donc, mais aussi celui de l'identité: avant l'entrée des artistes plusieurs après-midi par semaine, David embarque une centaine de visiteurs à bord de son "tractotrain" pour leur faire découvrir sa ferme.
D'un ton gouailleur, il raconte l'histoire de sa famille, décrit son quotidien d'éleveur de bovins, volailles, porcs et brebis, décline les races de ses vaches, et agrémente le tout de plaisanteries de potache qui font mouche auprès d'une audience largement composée de retraités.
Au moment du déjeuner, l'accent est mis sur le circuit court. "On fait des repas avec 80% des produits servis qui viennent de moins de 50 km", affirme-t-il.
"C'est un spectacle dans l'assiette: des produits du terroir servis par les producteurs en personne. C'est comme si, à la Bibliothèque nationale, Proust venait vous dédicacer son livre", glisse-t-il.
Vient ensuite le spectacle, dont les numéros changent chaque année et font la particularité du lieu, en bordure de Garrigues, petit village de 270 habitants à une trentaine de kilomètres de Toulouse.
"On défend vraiment un concept, une idée, et on est tous en accord avec ça", assure Anaïs Comes, l'une des deux danseuses, qui a suivi un cursus classique avant d'intégrer l'équipe des Folies fermières en novembre 2021.
Du french-cancan à la variété française en passant par des numéros de magie, le public retrouve les éléments incontournables du genre et se presse pour y assister.
"C'est très bien pensé, il n'y a pas de temps mort dans la journée et j'ai apprécié qu'il nous présente ses tracteurs et ses animaux avant un très bon repas", se réjouit Annie Respaud, 69 ans, venue d'Ariège.
- Larmes de paysans -
David, qui a raconté son histoire dans "Les Folies Fermières", livre publié en 2019 par les éditions du Rocher, se réjouit d'afficher "complet pour les deux prochains mois, et déjà pour le réveillon de la Saint-Sylvestre".
Le concept a même séduit le cinéma: un long métrage basé sur l'histoire de la ferme-cabaret est sorti en mai dernier et a cumulé 137.661 entrées en quatre semaines.
Cette comédie, aux similitudes nombreuses avec la réalité, ne retranscrit toutefois que partiellement l'originalité de l'aventure entreprise par David et Laetitia, son épouse.
Le Tarnais a été touché par l'émotion d'agriculteurs venus le voir à l'issue des premières projections du film "Les Folies fermières".
"Ils me disent qu'ils pleurent de joie parce que j'ai vraiment compris l'agriculture. Mais je leur dis que non, que j'ai fait l'agriculture qui me semble la plus juste, l'agriculture de mon grand-père."
Cet entrepreneur, fier d'avoir créé 15 emplois en quinze ans, veut profiter de sa médiatisation pour montrer aussi qu'une agriculture et une alimentation plus locales sont possibles.
"Plus le producteur se rapproche du consommateur, moins il y a d'intermédiaires, et plus on a de chance de sauver cette agriculture sincère, locale et authentique", assène-t-il.
(F.Schuster--BBZ)