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Le ministre du Commerce indien a jugé mardi "inacceptable" le projet d'accord sur les subventions favorisant la surpêche qui est négocié cette semaine par les ministres des 164 pays membres de l'Organisation mondiale du commerce, hostile à toute mesure contraignante avant 25 ans.
"La période de transition de 25 ans demandée par l'Inde n'est pas conçue comme une dérogation permanente, elle est indispensable pour nous et pour d'autres pays qui comme nous pêchent dans des eaux proches des côtes", a déclaré Piyush Goyal, pendant les discussions.
"Si la période de transition de 25 ans n'est pas acceptée, il nous sera impossible de finaliser les négociations", a-t-il dit.
Il a souligné que les subventions accordées par l'Inde à ses pêcheurs étaient "parmi les plus faibles" au monde, et affirmé que le projet d'accord sur la table reflétait avant tout "la préoccupation d'un petit nombre de pêcheurs" qui surexploite les ressources halieutiques. "C'est totalement inacceptable! Et c'est la raison pour laquelle l'Inde s'oppose au texte actuel".
A moins d'une solution de dernière minute, le veto indien devrait donc faire capoter les négociations, car l'OMC fonctionne par consensus.
La pêche est le dossier phare de la conférence ministérielle de l'OMC qui doit en principe s'achever mercredi soir à Genève. D'autres sujets y sont également âprement négociés, dont la sécurité alimentaire et la levée des brevets sur les vaccins contre le Covid, sans toutefois aboutir jusqu'à présent.
Un peu plus tôt, le vice-président de la Commission européenne en charge du Commerce, Valdis Dombrovskis, avait déploré - sans citer l'Inde - les positions très fermes" et demandes très ambitieuses" de certains pays.
L'intransigeance indienne, soulignée par de nombreux diplomates, pourrait échouer plusieurs dossiers.
La directrice générale de l'OMC, Ngozi Okonjo-Iweala, a fait elle part mardi de son opposition à ce que les ministres fassent du marchandage entre les différents sujets, en lâchant un peu de lest sur la pêche en échange de quelque chose sur l'agriculture par exemple, un thème cher à l'Inde qui réclame un accord permanent sur la détention de stocks publics à des fins de sécurité alimentaire.
- 20 millions ou 22 milliards? -
Les négociations sur la pêche -lancées il y a plus de 20 ans- s'inscrivent dans les objectifs du millénaire de l'ONU, avec pour objectif notamment d'interdire certaines formes de subventions qui peuvent encourager la surpêche ou les prélèvements illégaux.
Mais des divergences persistent en particulier sur le traitement des pays en développement.
Mme Okonjo-Iweala, qui a fait de cet accord une priorité, a proposé mardi la création d'un fonds de soutien de 20 millions de dollars, pour aider les pêcher des pays en développement à se tourner vers une pêche plus durable.
Selon une étude régulièrement citée par les experts et les autorités, les subventions mondiales à la pêche s'élevaient à 35,4 milliards de dollars en 2018, dont 22 milliards considérés comme responsables de l'augmentation de la capacité des flottes de pêche.
"Avec un accord sur la pêche, les pays pourraient économiser 22 milliards, et les utiliser à bon escient" pour soutenir notamment la pêche artisanale, relève auprès de l'AFP Rémi Parmentier, du groupe de consultants Varda spécialisé dans les questions environnementales.
"Si l'Inde est si malheureuse à l'Organisation mondiale du commerce, elle devrait peut-être simplement suspendre son adhésion et laisser les autres membres se débrouiller", a-t-il tweeté.
Des progrès ont été faits ces derniers mois sur des contentieux qui paraissaient jusque-là insurmontables. L'idée que les querelles d'appartenance territoriale – nombreuses et ultra-sensibles – se traitent à l'OMC a été écartée.
Des progrès ont aussi été faits pour définir le mécanisme de traitement préférentiel réservé aux pays en développement, mais l'Inde réclame depuis des mois une période d'exemption de 25 ans. Trop long, rétorquent de nombreux membres, qui visent plutôt 2030.
L'un des sujets en suspens concerne les subventions aux pêches de flotte lointaines. Les pays doivent aussi s'entendre sur la zone concernée par la pêche artisanale. Le projet d'accord suggère une limite de 12 milles ou 24 milles marins, mais certains voudraient une zone de 200 miles.
(B.Hartmann--BBZ)