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Bienvenue dans le "combat collaboratif": les armées sont à l'aube d'une nouvelle ère où la mise en réseau de tous les soldats et équipements doit démultiplier leur force, au risque de nouvelles vulnérabilités technologiques.
Derrière les notions absconses de "système de systèmes" ou de "bulle opérationnelle" se dessine "une autre manière de combattre", "centrée sur la connectivité" entre les moyens engagés plus que sur leurs capacités propres, décrypte un haut-gradé français sous couvert d'anonymat.
Au coeur du combat collaboratif, la donnée et le partage de l'information. "On passe d'un mode de fonctionnement en silos à un fonctionnement horizontal et vertical où l'on donne au soldat, quel que soit son niveau, la capacité de donner l'information, de prendre les décisions", explique Cyril Dujardin, patron de la sécurité numérique chez Atos, à l'occasion du grand salon militaire international Eurosatory, organisé au nord de Paris cette semaine.
Le géant informatique français fournit aux forces françaises le SICS, un système d'information embarqué dans les blindés français de nouvelle génération (Griffon, Jaguar, Serval) dans le cadre du programme Scorpion.
Les positions des forces amies sont indiquées en temps réel et les ordres transmis via ce terminal, dont sont équipés aussi bien le poste de commandement que le chef de peloton dans son véhicule.
"Aujourd'hui, c'est centré sur les véhicules, l'idée est d'intégrer le fantassin, de diffuser beaucoup plus largement l'information afin d'avoir une meilleure connaissance de la situation tactique", explique l'ingénieure générale de l'armement (IGA) Delphine (l'armée française proscrit la publication des noms de famille de ses membres), architecte des systèmes de combat terrestre futurs à la Direction générale de l'armement (DGA).
L'idée du champ de bataille connecté a germé en 1999. "Il fallait oser quand on voit ce qu'étaient à l'époque la téléphonie mobile et internet", relate le haut-gradé français. "Cela a donné le programme d'armement Scorpion avec les premières livraisons en 2019, ça prend 20 ans".
Le programme a permis à la France d'être pionnière et d'avoir aujourd'hui "5 à 10 ans d'avance dans le combat collaboratif" par rapport aux autres pays, hormis les Etats-Unis, selon un industriel français.
"Mais Scorpion est la préhistoire de ce que l'on cherche pour 2040: un champ de bataille interarmées interconnecté", selon le haut-gradé.
Le Système de combat aérien futur (Scaf) ainsi que son équivalent terrestre, le MGCS franco-allemand, doivent voir le jour à cet horizon.
- Eviter "l'infobésité" -
A terme, les capteurs embarqués sur les véhicules doivent par exemple permettre en communiquant de façon automatisée de trianguler et donc de localiser les forces ennemies. Un drone qui repérerait un blindé ennemi pourrait transmettre sa position à un char mieux équipé pour le détruire.
"Pour l'instant, on ne fait qu'afficher l'information, l'idée est de passer à un combat collaboratif prescriptif et prédictif en fonction de la situation sur le terrain", abonde Cyril Dujardin.
Tout cela suppose des moyens de communications puissants. Le groupe de défense et de technologies Thales doit ainsi commencer à livrer en 2023 les 25.000 radio-logiciels Contact commandées par l'armée française et doit fournir d'ici fin 2022 à l'Otan les premiers exemplaires de systèmes de "cloud déployable".
Concrètement, cela permettra de faire fonctionner toute l'informatique d'un poste de commandement de l'Otan sur un théâtre en mode "cloud", c'est-à-dire en permettant une mutualisation des ressources en calcul et en stockage des serveurs présents sur place.
Face à ce tout-technologique, le risque "d'infobésité" guette. Il faut donc s'assurer que l'opérateur ne reçoive que ce dont il a besoin pour sa mission et que "les communications soient plus frugales", observe l'IGA Delphine.
Il s'agit aussi de prendre en compte le risque de brouillage massivement utilisé au cours du conflit en Ukraine.
Quand une fréquence radio est brouillée, des mécanismes automatiques permettent déjà de passer sur d'autres fréquences.
Il faut également un "maillage des réseaux", si un lien est coupé, on passe par un autre noeud", observe-t-on chez Airbus.
Et prévoir un fonctionnement en "mode dégradé". Pour cela, une piste qui doit aboutir vers 2025 prévoit d'injecter de l'intelligence artificielle dans la gestion des réseaux. En cas de perturbations liées à du brouillage, ils pourront se reconfigurer tout seuls pour faire passer en priorité les flux de données les plus essentiels.
(H.Schneide--BBZ)