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Au procès de la catastrophe ferroviaire de Brétigny, la SNCF a demandé sa relaxe vendredi, son avocat soutenant que l'accusation n'avait ni réussi à démontrer "un scénario précis" de l'accident ni des failles dans la maintenance des voies.
Après huit semaines d'audience devant le tribunal correctionnel d'Evry, le procureur avait requis mercredi la peine maximale de 450.000 euros d'amende contre la SNCF pour homicides et blessures involontaires dans l'accident de Brétigny en 2013, qui a tué sept personnes et blessé des centaines d'autres.
Le procureur avait en revanche demandé la relaxe pour les deux autres prévenus: le gestionnaire des voies, SNCF Réseau (ex Réseau Ferré de France), et un ancien cheminot.
La SNCF est poursuivie comme héritière pénale de SNCF Infra, chargée de la maintenance au moment du déraillement du train.
"Selon les réquisitions, ce terrible accident ne serait pas le fruit du hasard, d'un événement imprévisible", comme le défend la SNCF, "mais le résultat d'un certain nombre de fautes, (...) de dérives que la SNCF n'aurait rien fait pour empêcher", a plaidé vendredi son avocat, Emmanuel Marsigny.
Pour le procureur, "d'autres Brétigny auraient pu arriver" mais "il n'y a pas eu d'autres Brétigny", a relevé Me Marsigny, dénonçant "l'outrance" d'un réquisitoire incapable "de déterminer un scénario précis" de l'accident.
Le 12 juillet 2013, le désassemblage d'une éclisse - sorte de grosse agrafe reliant deux rails - a provoqué le déraillement de l'Intercités Paris-Limoges en gare de Brétigny-sur-Orge (Essonne).
Douze fautes dessinant "un contexte" coupable, mais contesté par la SNCF, qui s'est défendue en décortiquant les causes du pivotement de l'éclisse et en insistant sur l'importance de la temporalité.
L'éclisse a pivoté autour de l'un de ses quatre boulons. Quand les trois autres ont-ils cassé ? S'ils ont cassé plusieurs semaines, voire plusieurs mois, avant l'accident, comme le soutient l'enquête, la SNCF aurait dû s'en rendre compte.
- "Caricature" -
Pour Me Marsigny, une audience du procès a été révélatrice : le 5 mai, un expert mandaté par la justice a déclaré avoir observé un phénomène de "rupture par fatigue" sur les boulons, mais a reconnu ne pas pouvoir déterminer la date précise de la cassure des boulons.
"Ce qui a été dit est fon-da-men-tal", a martelé Me Marsigny, frappant de la main sur son pupitre. D'autant que des experts missionnés par la SNCF ont, eux, jugé plausible une cassure soudaine, peu de temps avant l'accident.
Il a aussi balayé ce rapport du cabinet Aptéis, analysant une "banalisation du risque" à la SNCF, avec notamment une baisse d'effectifs. "Un rapport militant", proche des syndicats, selon lui.
Lors de leur enquête de sept ans, les magistrats instructeurs ont souligné une très difficile collaboration de la part de la SNCF et avoir dû mettre sur écoute certains cadres.
La SNCF n'a "jamais triché, n'a jamais cherché à dissimuler quoi que ce soit", a défendu son avocat, déplorant que cette "vieille dame", qui fait partie du "patrimoine national", ait été "sans arrêt caricaturée".
"La SNCF a-t-elle simplement le droit de se défendre face au banc de cette douleur que personne ne conteste ?", a demandé Me Marsigny, évoquant les plus de 200 parties civiles.
"Oui Mesdames, Messieurs, vous êtes des victimes, vous êtes victimes d'un accident", a lancé l'avocat. "Et ce n'est pas parce que la SNCF se lève en contestant la faute pénale qu'elle met en cause votre statut de victime".
"Les victimes veulent des réponses et parfois elles ressentent de la haine. La haine doit-elle guider la main du juge ?", s'est-il interrogé, assurant que la SNCF "n'oubliera jamais" leur douleur.
Le jugement du tribunal sera rendu le 26 octobre.
(P.Werner--BBZ)