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"Il faudra faire preuve de beaucoup d'imagination" pour gouverner: la France avance dans l'inconnu après des élections législatives aux allures de séisme dimanche, avec le camp Macron qui perd la majorité absolue, la forte percée de la gauche unie et le score historique du Rassemblement national.
S'ils sont confirmés, ces résultats du second tour, inédits sous la Ve République, posent clairement la question de la capacité d'Emmanuel Macron à pouvoir gouverner et faire voter les réformes promises, notamment celle des retraites.
Ces scores posent aussi la question du maintien d'Elisabeth Borne à Matignon: à la recherche d'alliés, notamment à droite, M. Macron devra-t-il repeindre du sol au plafond son gouvernement ?
"Nous travaillerons dès demain à construire une majorité d'action, il n'y a pas d'alternative", a assuré la Première ministre, elle-même élue de peu dans le Calvados, en affirmant que cette "situation inédite constitue un risque pour notre pays".
Symboles de la claque reçue, les défaites des chefs de file de la macronie à l'Assemblée, deux intimes de M. Macron: le président Richard Ferrand battu dans son fief du Finistère et le patron des députés LREM Christophe Castaner dans les Alpes-de-Haute-Provence.
Trois ministres, Amélie de Montchalin (Transition écologique), Brigitte Bourguignon (Santé) et Justine Benin (Mer) ne sont pas parvenues à se faire élire et devront donc quitter les rangs de l'exécutif.
"C'est loin de ce qu'on espérait", a admis le ministre des Comptes publics Gabriel Attal, qui a pu toutefois se satisfaire des victoires sur le fil de deux ministres en ballottage à Paris, Stanislas Guerini et Clément Beaune.
- Abstention majoritaire -
Sans surprise, ce scrutin, le 4e en deux mois après la présidentielle, a été boudé par les Français alors qu'une partie du pays subissait une vague de chaleur inédite par sa précocité. Le taux d'abstention devrait atteindre entre 53,5% et 54%, en hausse de plus d'un point par rapport au premier tour (52,49%), selon les instituts de sondage. Elle n'atteindra toutefois pas le record du second tour de 2017 (57,36%).
La coalition présidentielle Ensemble! (LREM, MoDem, Agir et Horizons) obtient entre 230 et 250 sièges, selon les instituts de sondage. Elle serait ainsi loin de son objectif d'atteindre la majorité absolue de 289 députés sur 577, contrairement à 2017, ce qui lui avait permis d'avoir la haute main sur le Palais Bourbon pendant cinq ans.
Le camp Macron est désormais pris en étau entre deux groupes puissants qui ont clairement affirmé leur opposition.
La bataille s'annonce rude face à une gauche unie puissante (LFI, PS, EELV et PCF), qui devient la première force d'opposition avec de 141 à 175 députés.
Au premier tour, la majorité sortante était arrivée au coude-à-coude - autour de 26% des voix - avec l'alliance de gauche.
Jean-Luc Mélenchon s'est félicité de la "déroute totale" du parti présidentiel en annonçant que la Nupes allait "mettre le meilleur" d'elle-même "dans le combat" parlementaire.
A l'offensive, le député LFI Eric Coquerel a estimé que Mme Borne Borne ne pouvait plus "continuer à être première ministre" et annoncé que l'opposition déposerait "une motion de censure" contre son gouvernement le 5 juillet.
- "Opposition ferme" du RN -
Ensemble! devra aussi composer avec un Rassemblement national nettement renforcé qui, avec de 80 à 97 sièges selon les estimations, constitue la grande surprise de ce second tour, après une campagne en retrait, occultée par le duel opposant le camp Macron et la gauche. Un "tsunami", s'est même félicité le président par intérim du RN Jordan Bardella, dont le parti ne comptait que huit élus en 2017.
Conséquence, le RN sera en mesure de former facilement un groupe parlementaire, ce qu'il n'avait réussi qu'une fois dans son histoire, de 1986 à 1988, du temps du Front national de Jean-Marie Le Pen, grâce à la proportionnelle.
"Nous incarnerons une opposition ferme, sans connivence, responsable", a annoncé Marine Le Pen, réélue dans le Pas-de-Calais.
- LR en position centrale -
Les Républicains, qui représentaient la deuxième force dans l'Assemblée sortante, revendiquent 69 députés avec leur alliés de l'UDI et des Centristes, un chiffre quasi inespéré vu leur score piteux à la présidentielle. Leur position sera centrale dans l'Assemblée puisque le camp Macron aura besoin de voix pour atteindre la majorité absolue.
Le maire LR de Meaux Jean-François Copé a ainsi appelé dimanche à un "pacte de gouvernement" avec Emmanuel Macron, estimant qu'"il appartient à la droite républicaine de sauver le pays". Mais Christian Jacob, son président, a assuré que son parti resterait "dans l'opposition" et Eric Ciotti qu'il ne pensait pas pouvoir être "la roue de secours d'un macronisme en déroute.
Il faudra donc "beaucoup d'imagination" pour agir dans cette "situation inédite", a admis le ministre de l'Economie Bruno Le Maire, en estimant que, malgré tout, la France n'était pas ingouvernable.
Pour Emmanuel Macron, "ce quinquennat sera un quinquennat de négociations, de compromis parlementaires. Ce n’est plus Jupiter qui gouvernera mais un président aux prises avec une absence de majorité à l’Assemblée", prévoit le professeur de droit constitutionnel Dominique Rousseau.
Les prochains jours devraient être agités pour le chef de l'Etat, qui sera happé dans un tunnel d'obligations internationales (Conseil européen, G7, sommet de l'Otan) et devra manoeuvrer sur le front intérieur avec un remaniement de son gouvernement.
(O.Joost--BBZ)