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L'Espagne a dénoncé avec force samedi "une attaque" contre son intégrité territoriale et accusé des "mafias", au lendemain de la mort d'au moins 18 migrants à Melilla où près de 2.000 migrants africains ont tenté de pénétrer par la force.
Le Premier ministre socialiste espagnol, Pedro Sánchez, a décrit ce drame comme un "assaut (...) violent et organisé de la part de mafias qui se livrent au trafic d'êtres humains, contre une ville qui est un territoire espagnol". Melilla est enclavée en territoire marocain.
"Par conséquent, il s'est agi d'une attaque contre l'intégrité territoriale de notre pays", a-t-il ajouté lors d'une conférence de presse à Madrid, saluant le travail de la gendarmerie marocaine "qui a travaillé en coordination avec les forces et corps de sécurité" espagnols.
Quelque 140 membres des forces de sécurité marocaine ont été blessés, selon les autorités marocaines.
Au total, 130 migrants sont parvenus à entrer vendredi à Melilla, dont l'un restait restait hospitalisé, selon des sources de la préfecture espagnole.
Les 18 migrants qui ont péri ont trouvé la mort "dans des bousculades et en chutant de la clôture de fer" lors d'"un assaut marqué par l'usage de méthodes très violentes de la part des migrants", a souligné de son côté une source des autorités de la province de Nador, ville limitrophe de Melilla, au nord du Maroc.
Selon ces mêmes autorités, 33 migrants ayant pris part à l'assaut de vendredi et deux membres des forces de l'ordre "sont actuellement sous surveillance médicale" dans des hôpitaux de Nador et Oujda. "Leur état est stable", a précisé à l'AFP la même source.
Le bilan susceptible de s'alourdir est -- de très loin -- le plus meurtrier jamais enregistré lors des nombreuses tentatives de migrants subsahariens de pénétrer à Melilla et dans l'autre espagnole de Ceuta. Les deux enclaves constituent les seules frontières de l'UE avec le continent africain.
L'organisation internationale pour les migrations (OIM) et le Haut commissariat des Nations Unies aux réfugiés (HCR) ont réagi conjointement pour exprimer "leurs plus vives inquiétudes" et rappeler la nécessité "en toutes circonstances de prioriser la sécurité des migrants et des réfugiés" et "l'importance de trouver des solutions durables pour les personnes en situation de déplacement".
Au Maroc, des voix se sont élevées samedi pour réclamer une enquête.
La principale organisation de défense des droits humains a demandé "l'ouverture d'une enquête rapide et transparente" sur cette "tragédie" sans précédent, selon des déclarations à l'AFP de Mohamed Amine Abidar, le président de la section de l'Association marocaine des droits de l'Homme (AMDH) à Nador.
D'autres ONG d'entraide aux migrants se sont jointes à cet appel, tout comme le premier syndicat marocain, qui défend aussi les travailleurs migrants, l'Organisation démocratique du travail (ODT).
Il a exhorté le gouvernement "à ouvrir une enquête sur ce drame tragique et à faire le nécessaire en faveur des victimes des deux côtés", clandestins et policiers.
- Réponse "disproportionnée" -
En Espagne, une députée européenne du parti de gauche radicale Podemos, allié des socialistes au sein du gouvernement minoritaire de M. Sánchez, leur a fait écho.
"Une enquête est nécessaire pour éclaircir les faits et les responsabilités", a réclamé dans un tweet Idoia Villanueava, responsable de Podemos pour les affaires internationales.
De nombreux témoignages mettent en avant la violence de part et d'autre lors des évènements de vendredi.
"C'est la tentative" d'entrer à Melilla "la plus violente que j'ai jamais vu", a confié à l'AFP Rachid Nerjjari, serveur dans un café situé en face de la clôture qui marque la frontière dans le quartier marocain de Barrio Chino. Il a assuré avoir vu "des migrants armés de bâtons et de barres de fer, une première dans la région".
L'action des forces de sécurité marocaines suscite également de nombreuses interrogations.
Tout en reconnaissant que l'assaut des migrants avait été "violent", Eduardo de Castro, le président (maire) de Melilla et plus haute autorité politique de cette ville autonome, a ainsi dénoncé une "réponse disproportionnée" du Maroc.
Pour M. Abidar, de l'AMDH, "la cause principale de cette catastrophe est la politique migratoire menée par l'Union européenne en coopération avec le Maroc".
Sur les lieux, le calme était revenu samedi à Nador, cité limitrophe de l'enclave espagnole, ainsi qu'aux alentours de la haute clôture de fer qui sépare le Maroc de Melilla, selon des journalistes de l'AFP.
- Retour au calme -
Et il n'y avait aucune trace de migrants en ville. Selon M. Abidar, de l'AMDH, ils se seraient "éloignés de peur d'être déplacés par les autorités marocaines", généralement vers le sud du pays.
Un témoin a dit avoir vu plusieurs bus transportant des migrants hors de Nador.
La situation était aussi calme du côté espagnol de la clôture, selon des images de la chaîne publique TVE, qui montraient des ouvriers réparant les dégâts subis par la barrière.
Cette tentative d'entrée massive dans l'une des deux enclaves espagnoles est la première depuis la normalisation en mars des relations entre Madrid et Rabat, après une brouille diplomatique de près d'un an.
(T.Renner--BBZ)