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Les forces de l'ordre srilankaises ont repris vendredi à Colombo le dernier bâtiment public encore occupé par des manifestants antigouvernementaux, au cours d'un violent assaut qui inquiéte la communauté internationale.
Des centaines de soldats et policiers srilankais ont démantelé dans la nuit de jeudi à vendredi le principal camp de manifestants antigouvernementaux dans la capitale, quelques heures après la prestation de serment du président élu Ranil Wickremesinghe.
Les forces de sécurité en tenue anti-émeutes, armées de fusils d'assaut automatiques, ont délogé les manifestants, démonté les barricades et encerclé le complexe du Secrétariat présidentiel, qui avait été partiellement envahi par les manifestants, précipitant la chute du président Gotabaya Rajapaksa il y a près de deux semaines.
"La police et les forces de sécurité ont agi pour évacuer les manifestants qui occupaient le Secrétariat présidentiel, la porte principale et les environs", a annoncé la police dans un communiqué, et "neuf personnes ont été arrêtées" dont "deux ont été blessées."
Des témoins ont vu des soldats interpeller plusieurs personnes et détruire les tentes dressées le long de l'avenue menant au palais présidentiel, tandis que la police bloquait les rues adjacentes pour empêcher de nouveaux manifestants d'arriver sur place.
Selon les témoignages, des soldats ont agressé des individus, dont des journalistes, à coups de matraque, alors qu'ils avançaient vers de petits groupes de manifestants rassemblés sur le campement baptisé "GotaGoGama" ("Village Va-t-en Gota(bayan)").
L'ambassadrice américaine à Colombo, Julie Chung, s'est dite "profondément préoccupée" par cette opération militaire et a appelé les autorités à la mesure.
"Nous demandons instamment aux autorités de faire preuve de retenue et de donner aux blessés immédiatement accès à des soins médicaux", a-t-elle tweeté.
Le haut-commissaire (ambassadeur) canadien David McKinnon a souligné qu'il était "crucial que les autorités agissent avec retenue et évitent la violence."
Amnesty International a exhorté les autorités sri-lankaises à respecter la dissidence et a condamné le recours à la force contre des journalistes, dont un photographe de la BBC, qui couvraient l'opération militaire.
- "N'attaquez pas, écoutez-nous" -
Le chef de l'influente association du barreau du Sri Lanka, Saliya Peiris, a condamné l'opération et prévenu qu'elle nuirait à l'image internationale du nouveau gouvernement. "L'utilisation inutile de la force brute n'aidera pas ce pays et son image internationale", a-t-il déclaré dans un bref communiqué.
Vendredi dans la matinée, des centaines de militants manifestaient sur un site dédié près du complexe présidentie pour dénoncer la violence des autorités, exigeant la démission de M. Wickremesinghe, la dissolution du Parlement et la tenue d'élections.
"N'attaquez pas les manifestants pacifiques, écoutez-nous plutôt", scandait Dimmithu, un étudiant de 26 ans.
Les militants affirmaient leur intention de poursuivre la contestation, après quatre mois de manifestations contre le pouvoir du clan Rajapaksa, qui a soutenu cette semaine l'élection du nouveau président Wickremesinghe.
Pour Basantha Samarasinghe, un dirigeant syndical et homme d'affaires de 45 ans, "la population souhaite un changement de système" et "le parlement devrait être dissous" car "il n'a pas de mandat public".
La police a bouclé les principales routes menant à la zone pour empêcher que d'autres personnes ne rejoignent la manifestation.
Le nouveau président avait mis en garde mercredi "les fauteurs de troubles" et promis la sévérité s'ils tentaient de perturber son gouvernement.
"Si on essaye de renverser le gouvernement, d'occuper le bureau du président et celui du Premier ministre, il ne s'agit pas de démocratie, et nous traiterons ceux-là avec fermeté", avait-il déclaré.
- Ami d'enfance -
Lundi, alors qu'il était encore président par intérim, M. Wickremesinghe avait instauré l'état d'urgence, donnant aux forces armées et à la police de larges pouvoirs pour arrêter des suspects et les maintenir en détention pendant une longue période sans inculpation.
Ranil Wickremesinghe a été élu mercredi président du Sri Lanka en remplacement de Gotabaya Rajapaksa, qui a fui précipitamment le 9 juillet son palais pris d'assaut par des milliers de manifestants en colère et s'est réfugié à Singapour, d'où il a envoyé sa démission.
Il hérite d'un pays ravagé par une crise économique catastrophique, marquée par des pénuries d'aliments, d'électricité et de carburants, et qui a fait défaut sur sa dette extérieure de 51 milliards de dollars.
Le chef de l'Etat, élu pour la période restante du mandat de M. Rajapaksa qui se termine en novembre 2024, a nommé, sans surprise, au poste de Premier ministre Dinesh Gunawardena, son ami d'enfance.
Les deux hommes, qui ont étudié ensemble, ont sur le papier des positions idéologiques diamétralement opposées. M. Wickremesinghe, pro-occidental, est un chantre du libre-échange tandis que M. Gunawardena est un nationaliste cinghalais convaincu qui croit au socialisme et au contrôle de l'État sur l'économie.
Ce dernier, ex-ministre de la Fonction publique et fervent partisan du clan Rajapaksa, a prêté serment vendredi matin et devra former un gouvernement de coalition.
(A.Berg--BBZ)