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Plus de deux ans après le drame et alors que la justice locale avait passé l'éponge, quatre policiers américains ont été inculpés jeudi par le ministère de la Justice pour leur rôle dans la mort d'une jeune femme noire, Breonna Taylor, devenue une icône du mouvement Black Lives Matter.
Un des agent est accusé d'"usage excessif de la force", les trois autres d'avoir "falsifié" le mandat de perquisition à l'origine de l'opération, a précisé le ministre Merrick Garland lors d'une conférence de presse.
"Cela faisait 874 jours que j'attendais ça", a réagi la mère de la jeune femme, Tamika Palmer. "Mais ça fait toujours mal", a-t-elle ajouté devant des caméras, en reprochant aux autorités locales de ne pas "avoir fait ce qui est juste".
Le 13 mars 2020, trois agents de la police de Louisville, la plus grande ville du Kentucky, avaient fait irruption en pleine nuit au domicile de Breonna Taylor, 26 ans, dans le cadre d'une enquête pour trafic de stupéfiants visant son ancien petit ami.
Son nouveau compagnon, Kenneth Walker, avait cru qu'il s'agissait de cambrioleurs et avait tiré un coup de feu avec une arme détenue légalement. Les policiers avaient riposté et Breonna Taylor avait reçu une vingtaine de balles.
Les agents étaient munis d'un mandat dit "no knock", les autorisant à enfoncer la porte sans avertissement. Ils assurent s'être tout de même annoncés, ce que conteste M. Walker.
La mort de Breonna Taylor n'avait pas attiré beaucoup l'attention jusqu'à la mort de l'Afro-Américain George Floyd, étouffé par un policier blanc en mai 2020. Le nom de la jeune femme avait alors été scandé dans toutes les manifestations antiracistes de l'été.
- Rideaux occultants -
Malgré la colère, les procureurs locaux n'avaient inculpé, en septembre 2020, qu'un seul policier, non pas pour la mort de Breonna Taylor mais pour avoir "mis en danger" son voisin en déchargeant son arme au travers d'une cloison. Louisville s'était alors embrasée.
L'acquittement en mars dernier de ce policier, Brett Hankison, 46 ans, avait ravivé le sentiment d'injustice dans les milieux antiracistes et chez la communauté noire de la ville.
La justice fédérale a finalement décidé de l'inculper pour "usage excessif de la force". "Il a tiré dix coups de feu par une fenêtre et une porte-fenêtre couvertes de rideaux occultants", a justifié le ministre de la Justice.
Trois de ses anciens collègues qui n'ont pas participé au raid, Joshua Jaynes, Kyle Meany et Kelly Goodlett, sont pour leur part accusés d'avoir menti sur le mandat de perquisition à l'origine du drame.
"Les accusés savaient que le mandat contenait des informations fausses et trompeuses, et que d'autres (informations) avaient été omises", a expliqué Merrick Garland. Ils "savaient que cela pouvait créer une situation dangereuse et nous soutenons que ces actes illégaux ont entraîné la mort de Mlle Taylor", a-t-il ajouté.
Le mandat assurait que les policiers avaient vérifié que l'ancien petit ami de Breonna Taylor avait reçu des colis au domicile de cette dernière. "MM. Jaynes et Goodlett savaient que ce n'était pas vrai", a précisé le ministre.
Selon lui, les agents avaient ensuite "pris des mesures pour couvrir leurs méfaits" et notamment menti au FBI.
- 12 millions -
L'annonce de ces poursuites a été saluée par les proches de Breonna Taylor, qui ont demandé le renvoi immédiat des agents encore en poste.
"C'est un énorme pas vers la justice", a commenté le célèbre avocat Ben Crump, qui représente cette famille et de nombreuses victimes noires de violences policières. "Il est temps que les policiers impliqués arrêtent de se couvrir et acceptent leurs responsabilités dans la mort de cette jeune femme noire innocente", a-t-il ajouté.
Pour apaiser le climat et mettre un terme à une plainte au civil, la mairie de Louisville avait accepté de verser 12 millions de dollars à la famille de Breonna Taylor et d'engager de premières réformes de sa police.
Les pratiques de ses forces de l'ordre font par ailleurs toujours l'objet d'une enquête du gouvernement fédéral.
(S.G.Stein--BBZ)