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Le déficit commercial français sur les biens s'est encore nettement dégradé en juin et au premier semestre à cause de la facture d'énergie, mettant à mal les efforts du gouvernement pour le résorber.
Les statistiques françaises du commerce extérieur ont collectionné cette année les records de déficit, plombés par l'explosion des cours de l'énergie depuis l'éclatement de la guerre en Ukraine.
Le bilan semestriel culmine à 71 milliards d'euros de déficit après un nouveau record mensuel de 13,3 milliards d'euros en juin, ont annoncé vendredi les douanes françaises.
La barre symbolique des 100 milliards d'euros de déficit annuel fin décembre parait inévitable. Sur douze mois glissants, la France affiche déjà un déficit commercial de 121,9 milliards d'euros.
Nommé le mois dernier au portefeuille du Commerce extérieur en remplacement de Franck Riester, le nouveau ministre délégué Olivier Becht a concédé vendredi "une dégradation très sensible de notre déficit commercial" au cours d'une conférence téléphonique.
Mais, a-t-il affirmé, la facture énergétique "explique à elle seule la dégradation". Les prix de l'énergie ont pesé sur le semestre 48 milliards d'euros dans la facture des importations contre 27 milliards d'euros au second semestre 2021. Le phénomène est d'autant plus aggravé par l'affaiblissement actuel de l'euro face au dollar.
"La facture énergétique augmente, il n'y a pas grand chose que l'on puisse faire", réagit auprès de l'AFP Maxime Darmet, économiste chez Allianz Trade. "Mais les choses ne s'améliorent pas du côté de la balance des biens manufacturés", poursuit-il, citant des livraisons aéronautiques qui peinent à repartir et la perte de parts de marchés dans le secteur de l'équipement automobile.
"Ces chiffres montrent que la tendance à la dégradation est toujours là, accélérée par la pandémie", estime l'économiste.
Hors énergie et matériel militaire, le déficit commercial culmine sur les six premiers mois de l'année à 36 milliards d'euros, proche de son niveau du second semestre 2021 mais bien au-dessus des niveaux enregistrés ces dix dernières années.
Devenue une des priorités du gouvernement en raison des lourdes perturbations sur les chaînes d'approvisionnement mondiales et des conséquences économiques de la guerre en Ukraine, les efforts affichés de réindustrialisation de la France peinent à se traduire sur les chiffres de la balance commerciale.
"Cela prendra au moins une décennie pour réindustrialiser", a estimé vendredi Olivier Becht, ajoutant que la France "sort de trente années de désindustrialisation".
Pour l'économiste à l'OFCE Mathieu Plane, les chiffres actuels posent la question de la compétitivité française hors coûts, "la recherche, l'innovation, la formation, plein de choses qui ne passent pas que par la fiscalité", cette dernière ayant été progressivement diminuée depuis 2012 par la politique de l'offre et représentant au total des baisses d'impôts "de 60 à 70 milliards d'euros par an".
"Ce serait peut-être bien pire si on n'avait pas ces dispositifs mais on n'a pas réussi à regagner des parts de marché", affirme l'économiste.
Rare point positif des statistiques sur le commerce extérieur, la très bonne tenue des services qui ont enregistré un excédent record de 34 milliards d'euros contre 23 milliards au semestre précédent. Ceux-ci ont été portés par les services de transports, de voyages et les services financiers.
(H.Schneide--BBZ)