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Point noir dans la reprise économique post-Covid, le déficit commercial français n'en finit pas de se creuser depuis vingt ans. Au point d'inquiéter le gouvernement qui a fait de sa réduction un "objectif stratégique", reflet d'une désindustrialisation qui pénalise les exportations.
Le tournant à eu lieu au début des années 2000. En 2002, la France affichait encore un solde commercial positif dans ses échanges de biens (+3,5 milliards d'euros, selon les statistiques de l'Insee). En 2020, le déficit atteignait 64,7 milliards d'euros, 20 milliards de plus qu'en 2017.
Il s'est encore creusé en 2021, et les chiffres annuels attendus mardi pourraient faire tomber le record, 75 milliards d'euros, atteint dix ans plus tôt, en pleine crise financière.
Le solde commercial a été plombé en particulier en fin d'année par les matières premières et l'énergie. "Une augmentation des prix qui est bien plus dynamique que l'augmentation des prix de nos exportations", note Denis Ferrand, directeur général de l'institut Rexecode.
En pleine relance, la demande française reste forte, mais elle est satifaite par des importations, souligne de son côté Selin Ozyurt, économiste France chez Euler Hermes.
Les secteurs de la production automobile et de matériel de transport, traditionnellement exportateurs, sont affectés par ces hausses de prix des matières premières et les perturbations dans les chaînes d'approvisionnement. Tout comme l'aéronautique, qui souffre des restrictions sur les voyages.
La crise du Covid a eu un "effet catalyseur", souligne M. Ferrand, mais cet effet "dit bien que le chaînon manquant de l'activité en France reste quand même notre faiblesse à l'international". Le poids des exportations françaises a par exemple reculé de "30% en 20 ans" au sein de l'Union européenne.
Une amélioration immédiate n'est pas attendue dans les mois à venir.
Il faudra 10 ans pour retrouver un excédent commercial, a affirmé à plusieurs reprises le ministre de l'Economie Bruno Le Maire.
Au-delà de la conjoncture, la France traîne un problème de compétitivité, bien identifié.
"Pour la croissance, pour investir, pour consommer, nous avons besoin d'importer. Comme la reprise va se poursuivre en 2022, il y aura une forte demande pour les importations. Par ailleurs nos secteurs phare à l'export, l'automobile, l'aéronautique, ne vont repartir qu'en 2023", estime Selin Ozyurt.
Au cours des deux dernières décennies, "la France est le pays qui a perdu le plus de parts de marché, comparé à l'Italie et l'Allemagne, pas seulement vis-à-vis de la Chine mais aussi vis-à-vis des voisins européens, notamment dans le secteur pharmaceutique, un secteur clé pour nous", observe l'économiste.
- Reconquête -
Début décembre, le Haut commissariat au Plan a élaboré un projet pour la "reconquête de l'appareil productif". Il préconise de mettre l'accent sur plus de 900 postes ou produits, en déficit commercial de plus de 50 millions d'euros, représentent à eux seuls environ 80% des déficits commerciaux en 2019.
Du "Made in France" pour éviter d'importer des chips quand on est le leader mondial de la culture de pomme de terre, ou des meubles quand on produit du bois. Alimentaire, transports, objets de la maison, machines et outils, matériaux, textile, produits médicaux et pharmaceutiques, et hydrocarbures, sont les pistes privilégiées pour renforcer ou constituer des filières nationales.
La prise de conscience de ce problème a poussé depuis quelques années le gouvernement à prendre des mesures, comme la baisse des impôts de production.
Mais pour Selin Ozyurt, il en faudrait plus: parer à "l'inadéquation des compétences" et former des travailleurs techniques, entre les ingénieurs et les ouvriers, par exemple, ou encore stimuler la prise de risque.
"Dans les industries de demain, spatial, nucléaire, innovations dans la mobilité et la santé, ce sont des projets où il faut investir et prendre des risques, être prêt à perdre. (...) C'est ce qui se fait aux Etats-Unis: des crédits pour des technologies qui n'existent pas pour l'instant", avance Mme Ozyurt.
(A.Berg--BBZ)