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Jeune marié, monsieur Wang s'apprêtait à emménager avec sa femme enceinte dans leur nouvel appartement. Mais le rêve vire au cauchemar avec la crise immobilière en Chine qui empêche certains promoteurs d'achever les travaux.
Pour acheter le logement il y a trois ans, le futur papa de 34 ans a contracté un prêt équivalent à 300.000 euros. Mais sans avancée du chantier depuis près d'un an, il a pris une décision radicale: arrêter le paiement des mensualités.
Comme lui, des acheteurs dans des dizaines de villes boycottent les remboursements pour faire pression sur les promoteurs... eux-mêmes criblés de dettes et en manque de liquidités.
"Ils m'ont dit que la construction reprendrait bientôt", raconte à l'AFP monsieur Wang, qui ne souhaite pas révéler son nom complet. "Mais au final, aucun ouvrier n'est venu."
Habitant de Pékin, il comptait déménager dans ce logement acheté à Wuhan, une grande ville du centre de la Chine.
"C'était difficile pour nous de nous payer cet appartement. J'y ai mis toutes mes économies", explique-t-il. "Au final, on doit toujours rembourser deux millions de yuans (300.000 euros) pour le prêt."
La Chine a connu depuis la libéralisation du marché immobilier en 1998 un boom du secteur.
Les promoteurs ont pu se développer grâce aux prêts bancaires. Mais leur endettement a tellement gonflé que les autorités ont décidé à partir de 2020 d'y mettre le holà.
Cela a réduit les possibilités de financement pour les géants de l'immobilier comme l'ex-numéro un Evergrande, qui s'efforce depuis plusieurs mois de rembourser des montagnes de dettes.
- "Situation impossible" -
La tâche est compliquée par ces boycotts de mensualités et par la pression venue du gouvernement - soucieux de stabilité sociale - afin de livrer au plus vite les appartements aux acheteurs.
A Wuhan, d'autres futurs propriétaires affirment à l'AFP que la date de livraison de leur logement a été reportée à plusieurs reprises par le promoteur Myhome Real Estate.
Ils devaient emménager fin 2021 mais ne voient toujours rien venir. Le constructeur a promis cette semaine qu'il espérait boucler le chantier fin 2022.
En Chine, les appartements neufs sont le plus souvent vendus avant leur construction. Alors quand un promoteur est incapable d'achever les travaux, c'est l'acheteur qui se retrouve lésé.
Cela a conduit à une véritable "crise de confiance" dans le marché immobilier, estime dans un récent rapport Andrew Batson, analyste du cabinet Gavekal Dragonomics.
"Je n'aurais jamais pensé que ça pouvait arriver", raconte à l'AFP monsieur Hu, un acheteur de Wuhan âgé de 25 ans, à propos de son logement encore non terminé.
Il explique que toute sa famille a payé pour financer l'achat en 2018 de son trois pièces.
"Je n'ai plus envie de payer", explique monsieur Xue, un autre acheteur. Faute de pouvoir rentrer dans son logement, le jeune homme de 24 ans loue un appartement dont le loyer pèse lourdement sur ses finances.
"Ce n'est pas mépriser la loi ou les contrats. C'est juste que cette pression nous met dans une situation impossible."
- Cercle vicieux -
Sa famille a apporté un premier versement de 800.000 yuans (116.000 euros). Il a aussi contracté un prêt de 600.000 yuans (87.000 euros).
Selon plusieurs acheteurs de Wuhan, des manifestations de propriétaires mécontents ont eu lieu dans la ville.
En tout, plus de 300 projets immobiliers dans environ 100 villes sont touchés par ces boycotts des paiements, selon un document collaboratif mis en ligne sous le titre "WeNeedHome" (nous avons besoin d'un logement").
Beaucoup se trouvent à Zhengzhou, une grande ville du centre de la Chine, où les autorités ont toutefois créé un fonds d'aide aux promoteurs afin qu'ils puissent achever les travaux.
Selon la banque Nomura, les promoteurs en Chine n'ont pour l'instant livré qu'environ 60% des logements pré-vendus entre 2013 et 2020.
Les difficultés de l'immobilier chinois, qui représente un quart du PIB du pays, ont été révélées l'an passé lorsqu'Evergrande a commencé à peiner à rembourser ses créanciers.
Désormais, la perte de confiance des Chinois dans le secteur pourrait encore aggraver la crise, prévient Tommy Wu, analyste du cabinet Oxford Economics.
"Le danger de voir se développer un cercle vicieux - baisse des ventes et des prix des logements, détresse croissante des promoteurs et détérioration des finances des collectivités locales - est préoccupant."
(K.Lüdke--BBZ)