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La priorité numéro un de la majorité des Brésiliens est leur porte-monnaie, à un mois d'une présidentielle qui se joue dans un contexte d'inflation à deux chiffres, de chômage élevé et d'insécurité alimentaire.
C'est le cas de Celia Silva, une analyste en marketing de 61 ans rencontrée par l'AFP sur un marché de Sao Paulo. Elle espère que bientôt elle n'aura "plus à jongler pour finir les mois".
Selon un sondage de l'institut Datafolha, les préoccupations économiques vont déterminer le vote de 53% des Brésiliens, amenés à choisir entre le président d'extrême droite Jair Bolsonaro et le favori, l'ex-chef d'Etat de gauche Luiz Inácio Lula da Silva.
La tragique crise du Covid (685.000 morts) a enfoncé des millions de Brésiliens dans la crise, et 33,1 millions d'entre eux souffrent de la faim.
Les derniers indicateurs économiques ont laissé entrevoir un début d'embellie.
Le chômage a reflué à 9,1% (mai-juillet) et le nombre de demandeurs d'emploi est passé sous les 10 millions pour la première fois en six ans.
L'inflation semble aussi avoir passé un pic: -0,68% en juillet, son premier recul mensuel depuis mai 2020.
Enfin la croissance de la première économie d'Amérique latine a été plus importante que prévu au deuxième trimestre, à 1,2%.
"Les chiffres sont fantastiques" avait lancé un peu vite fin août Jair Bolsonaro dans une interview télévisée. "Le Brésil s'en sort mieux que beaucoup d'autres pays".
- Brésiliens affamés -
L'amélioration de l'économie pourrait s'être repercutée dans les intentions de vote, le dernier sondage de Datafolha publié jeudi faisant état d'un certain resserrement de l'écart entre Lula et Jair Bolsonaro, passé de 15 points à la mi-août à 13 points désormais en faveur du candidat de gauche.
"Le pire est passé, l'économie s'améliore et l'emploi redresse la tête plus vite que prévu", dit Igor Barenboim, économiste en chef des consultants Reach Capital.
Mais dans le porte-monnaie des Brésiliens, l'embellie n'est pas palpable.
"Le salaire moyen (2.693 reais, ou 517 euros) est à l'un de ses pires niveaux en dix ans", dit André Perfeito, des courtiers Necton.
L'inflation reste élevée, à 10,07% en juillet sur les 12 derniers mois. Elle est à deux chiffres depuis septembre 2021, plombant le pouvoir d'achat des plus pauvres.
L'alimentation était 14,72% plus chère en juillet dernier sur 12 mois, aggravant le fléau de la faim.
"Il n'y a jamais eu autant de gens souffrant de la faim", dit Paulo Feldmann, professeur en économie de l'Université de Sao Paulo. "Avec plus de 60% de la population en insécurité alimentaire, le Brésil a dépassé aujourd'hui la moyenne mondiale".
Cet état de fait, nié à la télévision par le président Bolsonaro, donne un avantage à Lula dans les urnes: il a extrait 30 millions de Brésiliens de la pauvreté.
- Pattes de poulet -
En août, et jusqu'à décembre, le gouvernement a augmenté de 400 (77 euros) à 600 réais (115 euros) les aides sociales mensuelles pour 20,2 millions de familles bénéficiaires de l"'Auxilio Brasil", version revisitée de la "Bolsa Familia" créée par Lula.
Des subventions pour le gaz ont été décidées, de même que des compensations pour les chauffeurs routiers.
Ces gestes sont très coûteux pour les finances publiques. La dette publique, qui représente 77,6% du PIB, "risque de suivre une trajectoire explosive", avertit M. Barenboim.
De nombreux commentateurs ont jugé ces dépenses électoralistes, à quelques semaines de la présidentielle. Et elles pèseront lourdement sur les finances du prochain gouvernement.
Mais ces dépenses ont contribué à améliorer la perception de la situation économique, qui va se redresser dans les prochains mois, estiment 58% des Brésiliens, sondés par Datafolha.
Un panel d'analystes consultés par la Banque centrale ont revu à la hausse, à 2,1%, leur prévision de croissance pour cette année au lieu de 0,28% en janvier.
En attendant, sur le marché de Sao Paulo, de nombreux Brésiliens savent déjà pour qui ils vont voter.
Edelzuita Ferreira, une retraitée de 71 ans, va choisir Lula "pour se remettre à manger de la viande rouge et arrêter de manger des pattes de poulet".
D'ailleurs l'icône de la gauche a promis aux Brésiliens "des steaks et de la bière", tandis que M. Bolsonaro disait "qu'il n'y a pas de filet-mignon pour tout le monde".
Adriana Do Prado, âgée de 38 ans, sera fidèle à ce dernier. "Nous sommes debout grâce à lui", dit-elle. Son restaurant n'a pas fermé durant le Covid grâce à ce président anticonfinement.
(A.Lehmann--BBZ)