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Camaieu et ses 2.600 salariés sur le fil: le géant nordiste du prêt-à-porter féminin a lancé mercredi un appel "urgent" à un soutien financier de l'Etat pour convaincre le tribunal de commerce de Lille qu'il peut échapper à la liquidation, mais les syndicats craignent le pire.
Quelques heures avant l'audience au tribunal, à 14H00, l'actionnaire, Hermione People and Brands (HPB), a affirmé à l'AFP être prêt à injecter plus de fonds pour sauver l'enseigne, si l'Etat acceptait de son côté d'apporter un soutien financier.
"L'actionnaire est prêt à s'installer dans un tour de table avec des financements supplémentaires", a assuré la direction de HPB. Son président, Wilhelm Hubner, a appelé "l'ensemble des acteurs publics, Etat et collectivités territoriales" à une "réunion urgente" pour financer le sauvetage de l'enseigne.
HPB avait indiqué lundi avoir demandé une avance de 48 millions d'euros à l'Etat, mais Bercy avait jugé que cette demande n'était pas "réaliste", l'État ne pouvant "en aucun cas se substituer aux actionnaires".
Le plan de continuation de l'actionnaire, que le tribunal doit examiner mercredi, deux mois après le placement de l'enseigne en redressement judiciaire, prévoit la fermeture de 208 magasins et la suppression d'environ 500 emplois, mais permettrait d'éviter la catastrophe sociale d'une liquidation: 2.600 emplois supprimés.
- "L'heure est grave" -
L'actionnaire espère gagner un peu de temps pour relancer son enseigne, chahutée par la crise sanitaire et une coûteuse cyberattaque, mais a besoin de fonds. "L'heure est grave, elle nécessite la mobilisation de tous", a insisté mercredi M. Hubner.
Le patron LR des Hauts-de-France, Xavier Bertrand "a demandé à avoir un échange sur Camaieu avec la Première ministre" Elisabeth Borne, qu'il accompagne en visite dans l'Oise, a indiqué son cabinet à l'AFP. Pour la Région, "la seule solution est une avance remboursable de la part de l’Etat".
Un total de 79,2 millions d'euros est nécessaire, selon HPB, sur les huit prochains mois pour assurer entre autres les achats de la saison automne-hiver et préparer la collection de printemps.
Le plan prévoit jusque-là une mise de fonds de 14 millions d'euros de la Financière immobilière bordelaise (FIB) de l'homme d'affaires Michel Ohayon --dont HPB est une filiale-- pour racheter le siège et l'entrepôt de Camaieu à Roubaix.
Ceux-ci seraient ensuite "valorisés" et revendus pour un montant estimé entre 55 et 60 millions.
HPB "est le seul" à pouvoir sauver l’enseigne, après le retrait de divers candidats à la reprise, dont le fonds américain Gordon Brothers, avait plaidé lundi M. Hubner, auprès de l'AFP.
- "Crainte d'une disparition" -
Les syndicats, eux, se préparent au pire: à l'issue d'un CSE mardi, le syndicat interne UPAE et la CGT se sont dit "extrêmement réservés" sur la capacité de la direction à garantir le financement.
"On a encore des pistes, mais certainement pas avec M. Ohayon et ses représentants", affirme Thierry Siwik de la CGT, qui a appelé à la grève mercredi.
"Deux éventuels investisseurs" ont manifesté un intérêt à un autre projet bâti par son syndicat et la CGT "va demander un délai supplémentaire au tribunal" pour explorer cette piste, a-t-il indiqué.
"Il n’y a plus que la FIB en course, on a le choix entre lui et rien" estime pour sa part Nordine Misraoui, de la CFDT, qui "craint une disparition de l'entreprise" et souhaite que Bercy prenne "davantage de temps pour peser les tenants et aboutissants".
"La liquidation judiciaire serait un scandale et un signe de résignation inquiétant", a tweeté mercredi le maire divers-droite de Roubaix Guillaume Delbar. "Le destin de 2.600 familles est en jeu", a-t-il souligné.
Selon HPB, l'enseigne a basculé après un arrêt de la Cour de cassation imposant fin juin aux commerçants de régler les loyers impayés lors de la période Covid. Leur montant s'élève à 70 millions d'euros sur un total de 240 millions de dettes, selon M. Hubner.
En reprenant 511 des 634 magasins de la marque en France et quelque 2.600 salariés sur plus de 3.100, HPB s'était donné en 2020 deux ans pour remettre à l'équilibre l'enseigne, fondée en 1984.
(G.Gruner--BBZ)