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La "Communauté politique européenne" fait ses premiers pas: 44 dirigeants du continent se retrouvent jeudi à Prague, dans un format inédit qui est aussi un symbole fort, sept mois après le début de l'invasion russe en Ukraine.
La "photo de famille" dans l'imposant château de Prague qui domine la vieille ville vise à marquer les esprits au moment où le président russe Vladimir Poutine brandit de nouveau le spectre de l'arme nucléaire et où le continent redoute une crise énergétique sans précédent.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky s'exprimera depuis Kiev en visioconférence.
Traduction concrète d'une idée lancée en mai par le président français Emmanuel Macron, cette "CPE", est un rassemblement beaucoup plus large que l'Union européenne (17 pays invités en plus des 27 membres du bloc).
Mais derrière ce nouvel acronyme, on trouve des tensions latentes et des pays aux trajectoires radicalement différentes vis-à-vis de l'UE: Norvège, Ukraine, Suisse, Turquie, Royaume-Uni, Moldavie, Serbie, Azerbaïdjan...
Quel dénominateur commun entre des candidats déclarés (et impatients) à l'adhésion, des pays qui savent que la porte leur est fermée pour longtemps et le Royaume-Uni, qui choisissait il y a six ans de quitter l'UE avec fracas?
La CPE s'inscrira-t-elle dans la durée ou rejoindra-t-elle la longue liste des projets sans lendemain sur le continent, à l'image de la Confédération européenne proposée en 1989 par François Mitterrand?
Ne risque-t-elle pas, enfin, de devenir une anti-chambre dans laquelle les candidats à l'adhésion patientent éternellement?
Il s'agit d'un "complément" et non d'une "alternative" au processus d'adhésion à l'UE, assure Emmanuel Macron.
- Regards tournés vers Truss -
Six ans après le Brexit, les moindres faits et gestes de la Première ministre britannique Liz Truss à Prague seront évidemment scrutés avec attention.
"On n'est pas du tout dans un mécanisme centré sur l'UE, on est dans une conversation stratégique où il est évident que les Britanniques ont absolument toute leur place", souligne-t-on à l'Elysée.
"L'Europe est confrontée à sa plus grave crise depuis la Seconde guerre mondiale. Nous y avons fait face avec unité et détermination", devait déclarer la dirigeante britannique jeudi. "Nous devons continuer dans la même voie. Pour nous assurer que l'Ukraine gagne cette guerre, mais aussi pour faire face aux défis stratégiques qu'elle a mis en lumière", devait-elle ajouter.
A un moment extrêmement difficile dans son propre pays, cela peut lui permettre de retrouver "une posture internationale, une forme d'influence sur le continent", explique à l'AFP Elvire Fabry, de l'Institut Jacques Delors.
"Lizz Trus y voit aussi un intérêt à court terme", ajoute-t-elle. "La situation énergétique au Royaume-Uni est telle qu'elle a besoin de cet espace de dialogue."
Dans une tribune commune publiée dans Politico, Edi Rama et Mark Rutte, respectivement Premier ministre d'Albanie et des Pays-Bas, ont apporté leur appui à cette initiative.
A leurs yeux, elle permet de démontrer que "tous les pays européens", pas seulement les membres de l'UE, sont unis face à Vladimir Poutine qui cherchait à "semer la division".
Cependant, mettent-il en garde, "elle ne doit pas être guidée par la bureaucratie, mais par la flexibilité".
Au programme de ce premier sommet: des groupes de travail, un dîner, mais pas de déclaration finale signée par tous les participants. Les organisateurs espèrent l'annonce de possibles projets de coopération concrets, en particulier sur l'énergie.
"Il y a un enjeu d'affichage face à Poutine qui est important", estime Elvire Fabry. Mais si l'image des 44 dirigeants réunis aura du poids, "elle ne suffira pas", met-elle en garde.
Pour la suite, la France espère une réunion au printemps 2023 avec l'annonce à Prague du nom du prochain pays hôte, qui ne serait pas membre de l'UE. La Moldavie est sur les rangs.
(P.Werner--BBZ)