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Le gouvernement, sous le feu des critiques alors qu'un tiers des stations-service sont affectées par des pénuries, a annoncé mardi des mesures de réquisition pour débloquer les dépôts de carburants du groupe Esso-ExxonMobil, où la grève pour les salaires a été reconduite mardi, tout comme à TotalEnergies.
Tancée par le député LR des Alpes-Maritimes, Eric Ciotti, lors de la séance des questions au gouvernement à l'Assemblée nationale, la Première ministre Elisabeth Borne a annoncé mardi la réquisition des personnels pour le déblocage des dépôts de carburants français du groupe, où un accord salarial a été conclu lundi par deux organisations syndicales, majoritaires à l’échelle du groupe mais pas de ses raffineries.
"Le dialogue social, c’est avancer, dès lors qu’une majorité s’est dégagée. Ce ne sont pas des accords a minima. Les annonces de la direction sont significatives. Dès lors, j’ai demandé aux préfets d’engager, comme le permet la loi, la procédure de réquisition des personnels indispensables au fonctionnement des dépôts de cette entreprise", a déclaré Mme Borne, au lendemain d'une réunion d'urgence à Matignon.
Plusieurs ministres avaient brandi la menace de recourir à cette mesure ultime tout au long de la matinée, comme le ministre de l'Economie et des Finances Bruno Le Maire : "Soit les négociations démarrent et aboutissent vite et les dépôts de carburants sont rouverts rapidement, soit nous utiliserons les autres moyens qui sont mis à notre disposition, y compris les réquisitions", avait-il prévenu, en marge d'un point de presse au siège de RTE.
- "Droit de grève" -
Olivier Véran, le porte-parole du gouvernement, avait tenu à faire la différence entre la situation à ExxonMobil, où, a-t-il dit, "il n'y a plus aucune raison" de blocage après l'accord entre la direction et les syndicats lundi, et à TotalEnergies, où aucune négociation n'a encore démarré.
Son syndicat demande 10% d'augmentation sur les salaires pour 2022, le géant de l'énergie ayant engrangé 10,6 milliards de dollars de bénéfice au premier semestre 2022, contre les 3,5% négociés en début d'année.
La raffinerie de Normandie, le dépôt de caburants de Flandres, près de Dunkerque et la "bio-raffinerie" de la Mède (Bouches-du-Rhône) ont reconduit le mouvement, auquel se sont jointes des stations-service autoroutières du réseau Argedis, filiale de TotalEnergies.
Côté Esso-ExxonMobil, les deux raffineries de Notre-Dame-de-Gravenchon (Seine-Maritime) et Fos-sur-Mer, ont reconduit le mouvement, à l'appel de FO et la CGT, malgré la signature la veille d'un accord salarial par deux organisations majoritaires à l'échelle du groupe mais pas des raffineries, a précisé la CGT.
- "Devant les tribunaux" -
En cas de réquisition, "on ira devant les tribunaux pour les faire annuler", a prévenu M. Sellini, tandis que la CGT d'Esso-ExxonMobil a dénoncé "une remise en cause du droit de grève".
Du nord au sud de la France, les mêmes scènes se reproduisent: des stations-service fermées, d'interminables files d'attente, des prix en hausse et le moral en berne.
Tout juste ravitaillée par camion-citerne, la station-service Casino de Basso Cambo, en périphérie de Toulouse, a été prise d'assaut mardi. Une vingtaine de voitures et camionnettes attendaient une quarantaine de minutes pour faire leur plein.
"On a fait une dizaine de stations depuis hier sans pouvoir mettre du gasoil", raconte Ramzi Soltani, 33 ans, carreleur, dont l'entreprise a dû annuler des chantiers à cause de la pénurie de carburant.
Peine perdue, les automobilistes sont finalement restés bredouilles en raison d'un dysfonctionnement des pompes de cette station, a constaté une journaliste de l'AFP.
"Nous ne sommes pas là pour bloquer la vie de tous les Français mais pour revendiquer des conditions de vie dignes", a déclaré Lionel Arbiol porte-parole de la CGT Esso, en marge d'un "grand rassemblement" à l'appel des CGT de Esso Fos-sur-Mer et de Total La Mède mardi matin, auquel ont pris part près de 200 manifestants.
M. Véran a estimé sur RTL que retrouver "un fonctionnement normal" dans les régions les plus touchées allait "prendre quelques jours", promettant que "ce sera le cas dans les 15 jours", avant les congés de la Toussaint.
Il a par ailleurs jugé anormal que certaines stations aient fait bondir "les prix de l'essence à la pompe".
Les oppositions ont accusé le gouvernement dans cette crise: la droite et l'extrême droite critiquant un "défaut d'anticipation" et une "fébrilité", quand la gauche a dénoncé des "menaces pour les salariés mais (des) caresses pour les patrons".
(H.Schneide--BBZ)