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Après le succès d'"En thérapie", deux médias nationaux - France Inter et Le Monde - remettent au goût du jour la psychanalyse, malgré son caractère toujours controversé, dans une version interactive.
"Dans la tête d'un ado", "la mélancolie" ou "le secret de Dolto" comptent parmi les thèmes abordés par "L'inconscient", nouvelle émission dominicale de France Inter consacrée à la psychanalyse, 46 ans après avoir donné la parole à Françoise Dolto, pédiatre et sommité de la psychanalyse française.
L'émission d'une heure est portée par le psychiatre et psychanalyste franco-argentin Juan-David Nasio, 80 ans, ancien élève de Françoise Dolto et de Jacques Lacan, autre figure de cette discipline très codifiée et bien implantée chez nombre d'intellectuels français.
Son originalité? Le format "podcast interactif" consistant à mettre en ligne, quelques semaines avant leur diffusion, les thématiques des prochaines émissions sous forme de podcasts, pour que les auditeurs réagissent ou questionnent les cas présentés par le médecin. Le jour de l'émission, le podcast est diffusé puis prolongé par les réponses du psychanalyste à certaines de ces interrogations.
"En parlant de sentiments humains" au travers de cas d'anciens patients anonymisés, Juan-David Nasio explique à l'AFP vouloir "inciter l'auditeur à réfléchir et surtout à penser à lui-même".
Mais les formats dédiés à la psychanalyse dans les médias font aussi grincer des dents. Pour le psychiatre et psychothérapeute Bernard Granger, "on est dans une forme de racolage et surtout de simplification".
"Il ne faudrait pas apporter des réponses illusoires" aux gens, poursuit-il, plaidant pour une approche "pluraliste" des sujets relatifs au psychisme et reprochant à la psychanalyse "un côté péremptoire".
Ce programme "répond à une demande", répliquait récemment sa créatrice, la philosophe Adèle Van Reeth, nouvelle directrice de France Inter, sur son antenne.
Le "succès incroyable" de la série "En Thérapie" "a vraiment montré qu'après le confinement", dans une société en situation de "fragilité difficilement nommable, il y avait une envie et un besoin d'interroger les recoins plus intimes de l'âme", exposait-elle.
Si les nombreux téléchargements du podcast témoignent d'un bon accueil, l'émission a aussi généré des critiques autour de la validité scientifique de la psychanalyse.
- "Exprimer sa complexité" -
"La science n'est pas un critère d'évaluation de la qualité d'un propos quand celui-ci n'est pas à proprement parler scientifique", a argué Adèle Van Reeth, interrogée par la médiatrice de Radio France, rappelant le caractère "transgressif depuis sa naissance" de la psychanalyse.
Côté presse, Le Monde a lancé une chronique bimensuelle, "Le divan du monde", dans laquelle la psychanalyste Claude Halmos, qui a officié pendant 20 ans sur franceinfo, répond aux questionnements des lecteurs "pour décrypter comment l’état du monde percute nos vies intimes" et "propose des pistes pour mieux vivre".
"On voulait faire parler une voix à l'écoute, sans dogmatisme et qui surtout n'est pas +solutionniste+", c'est-à-dire "un problème, une solution", déclare à l'AFP Clara Georges, responsable du supplément hebdomadaire "L'Epoque".
"On est traversé par des émotions contradictoires, parfois difficiles à avouer, et la psychanalyse est le lieu dans lequel peut s'exprimer cette complexité", estime la journaliste.
Pour sa première, la chronique a reçu un nombre "très important de réponses" - près de 300 - disant "pour la plupart, de manière extrêmement aiguë, une certaine détresse", alors qu'"étonnamment" une "tout petite minorité de critiques" sur la psychanalyse ont été émises, ajoute-t-elle.
"La psychanalyse, on aime ou on déteste, mais elle ne laisse pas indifférent" et, si elle "est toujours considérée comme +pseudo-science+, c'est qu'aujourd'hui les neurosciences prennent le devant sur la psychanalyse", estime pour sa part Marie-Chistine Lipani, chercheuse en sciences de l'information et de la communication à l'Institut de journalisme Bordeaux-Aquitaine.
Au-delà des clivages entre méthodes thérapeutiques, la spécialiste des médias souligne le "rôle pédagogique" et d'éclairage des médias, particulièrement face à la vague "de nouvelles thérapies, de coachs du bonheur et du bien-être aux injonctions les plus paradoxales".
(K.Lüdke--BBZ)