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"Martyrs du changement climatique", les glaciers tropicaux colombiens "sont à l'agonie", alerte dans un entretien à l'AFP l'activiste colombienne Marcela Fernandez.
Des 14 glaciers que comptait la Colombie à l'origine, il n'en reste plus que six, répartis en quatre volcans et deux montagnes enneigées, déplore celle qui a fondé il y a cinq ans l'ONG Cumbres Blancas (Sommets blancs).
A 33 ans, la jeune femme a été reconnue récemment par la BBC comme l'une des 100 femmes les plus influentes du monde pour son combat novateur en faveur de la sauvegarde des glaciers.
"Martyrs du changement climatique, les glaciers nous alertent et nous préviennent des conséquences à venir", met-elle en garde. "Les glaciers colombiens sont à l'agonie (...) Leur perte est irrémédiable, irréversible".
- Un géant s'en est allé -
La Cordillère des Andes se divise en trois chaînes montagneuses sur le territoire colombien, avec 17 volcans et des sommets culminant à 5.770 mètres d'altitude.
Selon le Système d'information environnemental colombien (Siac), le pays compte à ce jour "six zones géographiques avec une couverture glaciaire répartie sur quatre volcans et deux chaînes de montagnes enneigées".
Depuis le milieu du 19e siècle, les glaciers colombiens ont perdu 90% de leur couverture, avec la disparition de huit montagnes enneigées. Leur superficie est passée de 350 km2 à 36,1 km2 en 2019, toujours d'après le Siac.
Les glaciers colombiens se réduisent désormais au rythme de "près d'un kilomètre (carré) par an", assure l'activiste, selon laquelle ils couvriraient désormais une superficie de 33 km2.
"Le 16 septembre dernier, il s'est passé quelque chose d'alarmant: la masse glaciaire tropicale la plus étudiée au monde, le Conejera (qui culminait à plus de 4.900 mètres et fait partie du Nevado de Santa Isabel), a cessé d'être un glacier", déplore Mme Fernandez.
"C'est un géant qui s'en va (...) cinq ans plus tôt qu'on ne le pensait", insiste-t-elle, jugeant que les autres glaciers du pays "ont peut-être encore 25 ans à vivre".
"Contrairement à l'Himalaya, aux Alpes et aux Pyrénées, les (glaciers) tropicaux ont beaucoup de liens avec les êtres humains. Nos villes en sont proches, ils sont accessibles". Ils sont aussi "ce que nous avons de plus sacré", explique-t-elle, en référence à la cosmogonie des indigènes de la Sierra Nevada, massif majestueux qui domine à pic la mer des Caraïbes.
"Il est encore temps pour nous de ne pas être la génération qui est restée les bras croisés face aux glaciers au bord de l'extinction", plaide-t-elle.
A la différence de la Bolivie et du Pérou voisin, qui dépendent entièrement de l'eau de leurs glaciers, la Colombie dépend elle à 70% des "paramos", des landes humides de haute montagne, écosystème unique situé sous les glaciers et au-dessus des forêts andines.
- "Mourir de faim" -
Avec son ONG, Mme Fernandez protège et restaure ces "paramos", régulateurs des réserves d'eau eux-mêmes menacés par les incendies et l'activité humaine notamment.
"Les glaciologues expliquent que le glacier se nourrit de neige. Je me suis donc immédiatement dit que ce qui arrive aux glaciers, c'est qu'ils meurent de faim".
L'ONG plante donc dans ces paramos des frailejon, une plante aux feuilles charnues et au tronc épais qui retient naturellement l'eau des nuages et du brouillard, contribuant à maintenir des températures basses comme à réguler le débit des eaux.
"Penser et rêver que nous pouvons soudainement produire de la neige grâce à la restauration des landes, c'est une utopie", reconnait cependant Marcela Fernandez.
D'après l'observatoire européen Copernicus, 2023 devrait être l'année la plus chaude de l'histoire, du fait de l'utilisation de combustibles fossiles, une menace pour ces calottes glaciaires qui représentent 75% de l'eau douce de la Terre.
La fonte des glaciers fait monter le niveau des mers et affecte la disponibilité en eau douce pour l'usage domestique, l'irrigation des plantes et la survie des animaux.
Selon le groupe d'experts des Nations unies sur le climat (GIEC), dans son rapport 2022, "l'accélération du réchauffement climatique réduit les glaciers tropicaux à un rythme jamais atteint depuis le milieu du petit âge glaciaire" (17e siècle), ce qui a un "impact direct" sur l'approvisionnement en eau de la région andine.
(K.Lüdke--BBZ)