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Dabaso Galgalo a fini par s'habituer à l'odeur épouvantable et au spectacle désolant du bétail pourrissant à terre tout autour de lui sur la plaine.
Dans la brousse aride du nord du Kenya, où gisent éparpillées sous un soleil de plomb des charognes de moutons et de chèvres par centaines, cet éleveur de 56 ans lutte pour la survie de ses précieux animaux, et pour la sienne, dans un pays éreinté par une succession de désastres météorologiques.
Ce qui restait de son troupeau après une vague de sécheresse de plusieurs mois a été décimé en janvier par des précipitations d'une ampleur exceptionnelle, comme on n'en voit qu'une fois par génération.
La pluie tant attendue "a tué le bétail qui s'était rassemblé autour de ce point d'eau", dit-il à l'AFP en arpentant le terrain autour de Kambi ya Nyoka ("Le camp du Serpent"), implantation pastorale dans le comté de Marsabit.
"Nous avons perdu énormément de ressources avec cette tragédie", explique M. Galgalo, "si quelqu'un avait 500 chèvres, il ne lui en reste plus désormais qu'entre cinq et vingt".
Depuis plusieurs décennies, les pasteurs nomades des zones arides d'Afrique de l'Est ont appris à composer avec les caprices du temps, poursuivant leur quête inlassable d'eau et de pâturages dans des régions très peu hospitalières.
Mais le changement climatique vient sérieusement éprouver leur capacité de résistance.
D'octobre à décembre 2021, le nord du Kenya a connu une troisième mauvaise saison des pluies d'affilée. Un an plus tôt, la région avait été dévastée par une invasion de criquets catastrophique.
Accablés par cette succession de plaies, les animaux sont aujourd'hui trop faibles pour donner du lait et trop maigres pour pouvoir être vendus.
- Tensions intercommunautaires -
Au vu de la situation, certains craignent désormais qu'en cas de nouvelle détérioration, les tensions entre différentes communautés pastorales ne s'aiguisent, sur fond de compétition pour un accès à des ressources limitées, tout particulièrement dans la région de Marsabit, où le conflit entre les groupes rivaux des Borana et des Gabra ne date pas d'hier.
En septembre, le président kényan Uhuru Kenyatta a reconnu à la sécheresse le statut de catastrophe naturelle, vue son ampleur.
Selon des chiffres gouvernementaux, 2,1 million de personnes, soit environ 4% de la population du pays, souffrent déjà de la faim, et 23 des 47 comtés du pays font face "à des difficultés d'approvisionnement en eau et à une situation d'insécurité alimentaire".
L'organisation météorologique nationale a mis en garde contre une possible hausse "des conflits humains et des conflits entre l'homme et la faune".
Les autorités ont alloué 450 millions de shillings (3,4 millions d'euros) pour acheter 11.250 bovins et 3.200 chèvres aux éleveurs des comtés les plus touchés.
L'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) a plaidé lundi en faveur d'une politique "agressive" pour remédier à la situation", faisant part de son inquiétude face à "la situation sur le terrain".
"Nous devons nous engager à agir différemment", a déclaré sa directrice générale adjointe, Beth Bechdol, lors d'une conférence de presse à Nairobi avant une visite dans le Nord, frappé par la sécheresse.
"Nous avons vu trop d'efforts pendant trop d'années qui ont été répétés et essayés inlassablement pour ne produire souvent que les mêmes résultats décevants", a-t-elle ajouté.
Selon les scientifiques, le changement climatique entraîne une multiplication des phénomènes météorologiques extrêmes, tout particulièrement en Afrique, pourtant le continent qui contribue le moins au réchauffement de la planète.
A Kambi ya Nyoka, M. Galgalo, n'a désormais plus qu'un seul but : tout faire pour sauver les animaux qui lui restent et protéger ainsi sa seule source de revenu.
Mais il commence à perdre espoir. Ses bêtes, dit-il, souffrent désormais "de pneumonie et continuent de mourir".
(Y.Yildiz--BBZ)