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Aubaine, bouffée d'oxygène ou miroir aux alouettes ? A Augny, village mosellan situé aux portes de Metz, l'inauguration le 30 août d'un entrepôt d'Amazon divise, quand le pouvoir d'achat, l'emploi et la pauvreté sont au cœur des débats de la présidentielle.
"C'est bien, ça embauche des jeunes", se réjouit Daniel Veyx, 59 ans, le patron du restaurant "Au Nid Gourmand", en plein centre du village.
"Et ils m'ont fait bouffer pendant le Covid", ajoute-t-il, expliquant que des salariés qui travaillaient sur le chantier de l'entrepôt du géant américain du commerce en ligne venaient régulièrement déjeuner chez lui.
Sa propre belle-fille, Odyline Thouaille, 27 ans, employée depuis la fin novembre dans le gigantesque bâtiment gris posé au milieu des champs, se félicite de ses 1.700 euros nets de revenus mensuels, salaire atteint grâce à ses horaires de nuit.
"Il faut aimer le rythme intensif car c'est assez physique", explique la jeune femme. Préparatrice de commandes en intérim, elle est toutefois "contente" d'exercer un métier qui "bouge" et qui lui rapporte.
- "Chantage à l'emploi" -
"Ce sont des emplois précaires, ça ne va pas régler le problème de l'emploi!", réplique Marie-Pierre Comte, élue d'opposition au conseil municipal d'Augny.
"Comment voulez-vous louer un appartement ou discuter d'un crédit avec votre banque pour l'achat d'une voiture quand vous êtes en intérim?", s'interroge-t-elle.
Militante écologiste de longue date, Marie-Pierre Comte souhaiterait que le prochain président "n'autorise plus" l'implantation de "ces méga entrepôts" et limite le "recours aux camions" afin de "lutter contre la pollution atmosphérique".
"Un élu responsable, écologiste ou autre, devrait sincèrement se pencher" sur ce sujet, insiste la conseillère municipale, fustigeant les "avantages fiscaux consentis", selon elle, au géant américain de la distribution "au nom du chantage à l'emploi".
Selon la directrice de l'entrepôt d'Augny, Angéline Bilodeau, 650 personnes ont été recrutées en CDI depuis l'ouverture du site, chiffre qui devrait grimper à "plus de 1.000" dans le courant de l'année. Parmi ces recrues, précise Pôle emploi, 35% étaient chômeurs de longue durée et 13% bénéficiaires du RSA.
"Hormis l'installation de l'usine Peugeot-Citroën à Trémery en 1979, je n'ai pas vu d'autre entreprise ayant apporté autant d'emplois", se réjouit Cyril Potin, directeur de l'agence de Pôle emploi de Montigny-lès-Metz.
- "L'emploi appelle l'emploi" -
D'autant qu'aux CDI se sont ajoutées les "6.000 missions d'intérim" effectuées depuis fin août, une "opportunité de reprise d'emploi", notamment pour les jeunes, relève M. Potin.
"L'emploi appelle l'emploi", renchérit le maire (sans étiquette) du village, François Henrion, qui espère que d'autres investisseurs se tourneront vers sa commune et l'ancienne base de l'armée de l'air sur laquelle le géant américain a élu domicile.
Située sur le plateau de Frescaty, cette base avait fermé ses portes en 2012 après avoir compté jusqu'à 2.500 militaires.
Les élus s'attendent aussi à des retombées fiscales bienvenues en ces temps de disette budgétaire.
"Amazon devrait verser entre 1,5 et 2 millions d'euros de taxes locales", avance le maire de Metz et président de l'Eurométropole, François Grosdidier (LR), même s'il souligne avoir "d'abord signé pour avoir un nouvel employeur, pas pour des recettes fiscales".
Reste les conséquences environnementales de l'installation de ce mastodonte de 50.000 m2 au sol, haut de quatre étages, dans cette bourgade de 2.000 habitants.
Marie-Pierre Comte pointe du doigt les "nuisances" générées par cette installation.
Comme elle, Pierre*, qui réside depuis une dizaine d'années au cœur du village, peste contre le trafic incessant sous ses fenêtres, "à toute heure, tous les jours".
Cet entrepôt "ne fait pas de bien" au village, "ça détruit, ça pollue", déplore-t-il.
*Le prénom a été changé à sa demande
(P.Werner--BBZ)