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Le Pérou enterre samedi l'ancien président Alberto Fujimori, qui a gouverné d'une main de fer entre 1990 et 2000 et passé les dernières années de sa vie en prison pour corruption et crimes contre l'humanité.
L'ancien homme fort du Pérou, d'origine japonaise, est décédé mercredi à l'âge de 86 ans à son domicile de Lima des suites de cancers.
Après trois jours de deuil national, le Pérou fera ses adieux, lors de funérailles également nationales, à Alberto Fujimori, qui a marqué l'histoire récente du Pérou en combattant les guérillas maoïstes, mais aussi profondément divisé ses compatriotes.
Près d'un quart de siècle après avoir quitté le pouvoir en exil, le dirigeant de droite, surnommé "El Chino" (Le Chinois), compte ainsi autant de partisans que de détracteurs.
Des milliers de ses sympathisants ont défilé devant son cercueil au ministère de la Culture depuis jeudi. Beaucoup étaient présents avec des fleurs, des photos et le visage de l'ancien président imprimé sur des T-shirts.
"Il a vaincu le terrorisme et a été le meilleur président que le Pérou ait pu avoir", a déclaré Jackeline Vilchez, issue d'une famille de "fujimoristas", venue se recueillir devant la résidence de l'ex-chef d'Etat.
Pour certains, il demeure l'homme qui a dopé l'essor économique du pays par ses politiques ultra-libérales et combattu avec succès les guérillas du Sentier lumineux (maoïste) et du Mouvement révolutionnaire Tupac Amaru (guévariste).
Après sa victoire sur le Sentier lumineux et l'arrestation de son chef Abimael Guzman, le magazine américain Time l'avait nommé en 1993 personnalité sud-américaine de l'année.
- 16 ans en prison -
Au contraire, d'autres se souviennent surtout des scandales de corruption et de ses méthodes autoritaires.
Les proches des victimes des massacres perpétrés par l'armée sous sa direction ont ainsi déploré qu'il se soit éteint sans montrer de remords.
"Il est parti sans demander pardon aux familles (des victimes, NDLR), il s'est moqué de nous", a dénoncé en pleurs auprès de l'AFP Gladys Rubina, soeur d'une des victimes du massacre de Barrios Altos, à Lima.
L'ex-dirigeant avait été condamné en 2009 à 25 ans de réclusion pour crimes contre l'humanité, notamment pour deux massacres de civils commis par un escadron de l'armée dans le cadre de la lutte contre le Sentier lumineux au début des années 1990: l'un dans le quartier de Barrios Altos (15 morts dont un enfant) et l'autre à l'université de la Cantuta (dix morts).
L'ancien dirigeant était aussi poursuivi pour l'assassinat en 1992 par des soldats de six paysans soupçonnés d'être liés au Sentier lumineux.
Le conflit interne des années 1980 et 1990 a fait quelque 69.000 morts et 21.000 disparus au Pérou, civils pour la plupart, selon la Commission de vérité et de réconciliation (CVR).
Après 16 années passées en prison, il avait été libéré en décembre sur ordre de la Cour constitutionnelle "pour raisons humanitaires", malgré l'opposition de la justice interaméricaine.
- "Laissons l'histoire juger" -
Alberto Fujimori avait été hospitalisé à plusieurs reprises ces dernières années. Une tumeur maligne lui avait été diagnostiquée à la langue et, en 2018, il avait rendu public un diagnostic de tumeur aux poumons.
Son état de santé s'était rapidement détérioré au cours des derniers jours, ont indiqué à l'AFP des sources proches de la famille.
L'ancien président avait fait irruption sur la scène publique en 1990 avec sa victoire électorale inattendue sur l'écrivain Mario Vargas Llosa, futur prix Nobel de littérature.
Sa fille Keiko Fujimori a repris son flambeau politique mais a échoué à trois reprises au second tour de la présidentielle.
Pas plus tard qu'en juillet, M. Fujimori avait envisagé une tentative de retour aux élections de 2026, selon sa fille.
À l'occasion de ses 80 ans en 2018, il avait déclaré à l'AFP: "Laissons l'histoire juger ce que j'ai bien fait et ce que j'ai mal fait".
Sa chute avait commencé en 2000 en raison d'un scandale de corruption. Il s'était alors réfugié au Japon -- pays dont il détenait aussi la nationalité -- et avait démissionné par fax.
Lima avait ensuite passé des années à tenter de convaincre Tokyo de l'extrader, en vain. A l'issue d'une longue bataille judiciaire, ce fut finalement le Chili, où s'était rendu Alberto Fujimori en 2005, qui extrada de l'ex-président deux ans plus tard.
(T.Burkhard--BBZ)