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Le président sortant Kais Saied, pratiquement seul aux commandes depuis trois ans en Tunisie et en lice pour un deuxième mandat lors du scrutin de dimanche, est convaincu d'être investi d'une "mission divine" pour sauver son pays de "complots" extérieurs.
Elu démocratiquement en 2019 sous le slogan "Le peuple veut", M. Saied, 66 ans, avait été applaudi par des foules en liesse quand il s'était octroyé les pleins pouvoirs le 25 juillet 2021 pour, assurait-il, répondre aux blocages politiques et économiques et combattre la corruption.
Trois ans plus tard, Amnesty International pointe "un inquiétant recul des droits fondamentaux dans le berceau du Printemps arabe" et "un virage autoritaire", détricotant les acquis de la Révolution ayant renversé le dictateur Zine El Abidine Ben Ali en 2011.
Dès février 2022, l'ancien maître-assistant en droit constitutionnel dissout le Conseil supérieur de la magistrature, "dernier bastion de l'impartialité judiciaire", selon Amnesty, et recompose à sa guise la direction de l'autorité électorale.
A l'été 2022, il fait adopter par référendum une révision constitutionnelle, rétablissant un système ultra-présidentiel similaire aux régimes de Habib Bourguiba (1957-1987) et Ben Ali (1987-2011) et transformant le Parlement en chambre d'enregistrement.
A partir de février 2023, des figures politiques et des hommes d'affaires, qui tentaient de former un front d'opposants, sont arrêtés, suivis en 2024 de syndicalistes, militants associatifs et commentateurs politiques connus. La majorité sont encore en prison.
- "Sur les rails" -
Crâne dégarni, silhouette longiligne, M. Saied ne fait pratiquement pas campagne, se contentant de visites dans des zones déshéritées où il dénonce "des complots" ourdis par "les ennemis de la Tunisie".
Un discours qui fonctionne auprès de ses partisans. Slah Assali, son ancien mécanicien de 45 ans dans le quartier de l'Ariana, décrit à l'AFP "une personne sérieuse qui travaille beaucoup mais est constamment gênée par des mains cachées".
Le serveur de café Imed Mehimdi, 45 ans, qui le connaît depuis plus de 20 ans enchérit auprès de l'AFP: "face à de nombreux désastres, la mafia, la corruption, il a remis le pays sur les rails et le train va repartir".
Ces cinq dernières années, M. Saied qui s'était fait connaître en décryptant la Constitution à la télévision, n'a donné que quelques conférences de presse. Sa communication se résume à des vidéos sur la page Facebook de la présidence, où, en strict costume-cravate, il est le seul à s'exprimer.
En trois ans, il a changé trois fois de Premier ministre et limogé des dizaines de ministres.
Pour Romdhane Ben Amor, porte-parole de l'ONG Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES), le président "ne croit pas au rôle des intermédiaires entre le peuple et lui". "Il considère qu'il a une mission divine révolutionnaire" pour "réaliser la volonté du peuple".
Mais au-delà de promesses d'une nouvelle "guerre de libération nationale et d'autodétermination" de la Tunisie, son projet reste mal défini.
- "Raideur" -
M. Saied parle "au peuple avec un langage biaisé qui n'est compris que de lui-même", estime l'écrivain Youssef Seddik. Cet anthropologue qui le fréquentait régulièrement avant l'élection de 2019, avait alors été "frappé par sa gentillesse et son sens de l'écoute" qui "contrastent aujourd'hui avec sa raideur".
Dans ses discours, il n'hésite pas à tancer des institutions internationales comme le FMI dont il a refusé "les diktats" et un prêt de deux milliards de dollars ou la société civile, qu'il accuse de "recevoir d'énormes sommes de l'étranger".
A sa promesse de relancer l'économie avec le phosphate ou des "entreprises citoyennes", sorte de coopératives auto-gérées, les économistes opposent une croissance poussive, un chômage élevé (16%) et un lourd endettement (80% du PIB).
Sur le plan international, il est très proche de l'Algérie voisine, qui soutient la Tunisie par des crédits et des envois d'hydrocarbures à prix d'ami. Défenseur du panarabisme, M. Saied affiche son appui à la cause palestinienne et s'est rapproché de la Chine, de l'Iran et de la Russie, même si l'Union européenne reste son principal partenaire commercial et donateur, et les Etats-Unis son fournisseur en armements.
Né en 1958 à Beni Khiar, près de Nabeul (centre-est) dans une famille de la classe moyenne, conservateur sur les moeurs (notamment l'homosexualité), il est marié à la magistrate Ichraf Chebil et est père de deux filles et un garçon. Il a enseigné le droit constitutionnel jusqu'à sa retraite en 2018.
Amateur de musique arabe classique et de calligraphie, il rédige ses messages importants à l'encre et la plume.
(K.Müller--BBZ)