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Clap de fin pour Fret SNCF, leader du transport de marchandises sur rails en France, qui sera remplacé par deux nouvelles sociétés en 2025 avec 10% d'effectifs en moins, au grand dam des syndicats qui préparent leur riposte.
C'est l'aboutissement de près de deux ans de crise au sein de l'entreprise publique, visée par une procédure de la Commission européenne depuis début 2023. Dès l'année prochaine, Hexafret s'occupera du transport de marchandises et Technis de la maintenance des locomotives.
L'Etat français est soupçonné d'avoir versé des aides considérées comme illégales entre 2005 et 2019 à Fret SNCF pour combler son déficit, pour environ 5 milliards d'euros.
Or, le fret ferroviaire est ouvert à la concurrence depuis 2006 en France et les aides doivent bénéficier à l'ensemble du secteur, selon la règlementation européenne.
L'Etat n'a eu que deux options selon les acteurs du dossier: aller au contentieux et prendre le risque de perdre, ce qui aurait contraint Fret SNCF à rembourser 5 milliards d'euros et entraîné sa disparition avec un plan social visant 5.000 personnes, selon ses dirigeants.
Ou négocier un "plan de discontinuité" avec les instances européennes pour éviter les poursuites. C'est la voie qui a été choisie par le ministre délégué aux Transports Clément Beaune dans un premier temps, confirmée lundi dernier par son successeur François Durovray.
- Abandon de flux -
"La SNCF s'est battue aux côtés de l'Etat pour obtenir la discontinuité la plus modérée possible", a indiqué à l'AFP le président de Rail Logistics Europe, la holding regroupant les activités fret de la SNCF (Captrain, transport combiné...), Frédéric Delorme.
D'après lui et d'autres cadres de la SNCF, le postulat de départ côté européen était "une punition" avec l'abandon de 50% du chiffre d'affaires, 50% des trafics et la suppression de 50% des effectifs, sur le modèle de ce qui est arrivé à la compagnie aérienne italienne Alitalia.
Au final, Fret SNCF a dû abandonner 23 flux de marchandises parmi les plus rentables à la concurrence - des opérateurs belges, allemands et français - soit 20% de son chiffre d'affaires et 30% de ses trafics. Cette opération a été réalisée au premier semestre 2024.
La deuxième étape, avec la disparition de Fret SNCF au profit d'Hexafret et Technis, doit déboucher sur la suppression de 500 emplois, soit 10% des effectifs.
Une troisième étape interviendra fin 2025-début 2026, avec l'ouverture du capital de Rail Logistics Europe au privé. "Mais avec une ligne rouge, que le groupe SNCF reste majoritaire", selon Frédéric Delorme.
Il n'y aura aucun licenciement, ont promis la SNCF et le gouvernement: l'ensemble des cheminots concernés seront transférés dans d'autres entreprises du groupe.
- "Carnage social" -
Sur les 4.500 salariés conservés, 10% iront chez Technis et le reste chez Hexafret. "C'est très dur pour les cheminots", a reconnu Frédéric Delorme.
D'autant que Fret SNCF était enfin revenu dans le vert après des années de déficit au moment de l'ouverture de la procédure.
Pour les syndicats, qui réclament un moratoire et la reprise des négociations avec la Commission européenne, cette décision est non seulement "un carnage social", mais aussi une aberration écologique "alors que l'urgence climatique impose le développement du ferroviaire comme solution bénéfique à toutes et à tous".
La part de marchandises transportées en train est déjà faible en France (11% en 2023) par rapport à la moyenne européenne (17%). Mais le fret ferroviaire a en plus enregistré un recul plus marqué en France en 2023 (-17% de marchandises transportées) par rapport à ses voisins européens.
Pourtant, Frédéric Delorme veut croire que l'entreprise peut repartir sur des bases saines malgré son affaiblissement. "Ces sociétés (Hexafret et Technis) vont bénéficier de facteurs favorables pour se développer", assure-t-il.
L'Etat français a notamment décidé d'augmenter de 30 millions d'euros les aides au wagon isolé (un train transportant des chargements pour plusieurs clients) dans le budget 2025. Au total, les aides au secteur s'élèveront à 370 millions d'euros.
(B.Hartmann--BBZ)