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"Je n'étais absolument pas au courant": le PDG de LVMH Bernard Arnault a assuré jeudi ignorer toute opération de surveillance entre 2013 et 2016 de François Ruffin, qu'il a accusé "d'instrumentaliser" le procès de l'ex-patron du renseignement intérieur Bernard Squarcini.
"Je voudrais rappeler que je suis ici comme un témoin, simple témoin, et que ma mise en examen n'a jamais été envisagée par les juges d'instruction", déclare l'homme d'affaires en costume noir après avoir prêté serment, comme il est d'usage, "de dire toute la vérité, rien que la vérité".
Dans une salle d'audience pleine, il rappelle que LVMH a signé une CJIP (Convention judiciaire d'intérêt public) de 10 millions d'euros en 2021 dans cette affaire. Un accord judiciaire "où il est indiqué que le groupe ne reconnaît aucune responsabilité", qui a été "proposé" par les magistrats et qui visait à "éviter d'être pris dans le tohu-bohu médiatique qui a suivi", déclare le PDG.
L'homme d'affaires a été cité par les avocats de François Ruffin, partie civile dans ce dossier et assis à quelques mètres, pour être interrogé sur l'opération de surveillance mise en place entre 2013 et 2016 par Bernard Squarcini et plusieurs autres prestataires du groupe contre le journal Fakir et celui qui est devenu depuis député.
Comme "premier groupe de la zone euro", avec "220.000 employés directs", "75 marques", qui verse "8 milliards" à l'Etat par an et "recrute le plus en France", Bernard Arnault estime que c'était à l'époque une "contre-vérité absolue" de dire, comme François Ruffin, "que nous étions des champions du licenciement et des délocalisations".
"Je pense qu'il essaie d'instrumentaliser ce procès pour des raisons personnelles, médiatiques, politiques, voire même commerciales, parce qu'en même temps il fait la promotion de son dernier film", poursuit-il, qualifiant cela de "choquant".
- Film "assez drôle" -
Dans ce dossier aux multiples ramifications, Bernard Arnault a été entendu par les juges d'instruction mais ni lui ni LVMH n'ont été renvoyés devant le tribunal aux côtés de M. Squarcini et des neuf autres prévenus.
Le tribunal, par la voix de son président Benjamin Blanchet, a cependant multiplié les questions sur son rôle pendant les trois semaines d'audience.
Etait-il au courant d'une tentative de chantage visant sa vie privée en 2008, pour laquelle la DCRI a mobilisé ses agents afin d'identifier le maitre-chanteur ? l'interroge le président. "Absolument pas".
Concernant la surveillance de François Ruffin et de Fakir, a-t-il été tenu informé par Pierre Godé, le vice-président du groupe, depuis décédé ? "Absolument pas".
Pourtant, dans une conversation enregistrée le 6 mars 2013, sa secrétaire évoque auprès de Bernard Squarcini un "courrier de Fakir, je ne sais pas comment M. Arnault se l'est procuré". "Je n'ai pas l'habitude de recevoir des courriers de Fakir, ça ne me dit rien", répond le témoin.
Le lendemain, Pierre Godé évoque au téléphone avec M. Squarcini une "infiltration" ? "Ce n'est pas à moi de juger ce que M. Godé peut faire, je n'étais absolument pas au courant de tout ça. Le groupe s'en tient à une politique très claire de la légalité absolue", répète-t-il.
Justement, le président lit longuement des documents sur "l'éthique" interne de LVMH. Pour Bernard Arnault, il y a une "équipe" dédiée à faire respecter ces engagements, qui "à l'époque dépendait de M. Godé". Il avait "les mêmes pouvoirs que moi" et "pleine autonomie", ajoute-t-il.
Au fil des questions, il se présente comme un "partisan de la liberté de la presse", contestant avoir voulu "voir" le film "Merci patron !" avant sa diffusion publique. "Je l'ai vu à sa sortie, je le trouve d'ailleurs assez drôle". François Ruffin "est bien meilleur sur le plan cinématographique que sur le plan politique", affirme-t-il.
Les conseils de François Ruffin, puis le procureur et la défense des prévenus doivent ensuite lui poser des questions.
(K.Müller--BBZ)