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Des affrontements ont éclaté samedi soir à Tbilissi devant le Parlement géorgien entre la police et les manifestants pro-européens qui protestaient, pour la troisième soirée consécutive, contre la décision de repousser les discussions sur l'adhésion du pays à l'UE.
Des policiers masqués en tenue anti-émeute ont tiré des balles en caoutchouc, du gaz lacrymogène et fait usage de canons à eau pour disperser des manifestants qui lançaient des feux d'artifice, selon un journaliste de l'AFP, qui a vu des flammes derrière une fenêtre du bâtiment.
Les manifestants ont érigé des barricades sur l'avenue principale de Tbilissi.
"J'ai peur, je ne vais pas le cacher, que beaucoup de gens soient blessés, mais je n'ai pas peur de me tenir ici", a déclaré à l'AFP Tamar Gelashvili, 39 ans, près du bâtiment du Parlement.
Des manifestations avaient également lieu dans de nombreuses villes de Géorgie.
Le ministère de l'Intérieur a déclaré que "les actions de certains individus présents à la manifestation sont devenues violentes peu après son début". "La police répondra de manière appropriée et conformément à la loi à chaque violation", a-t-il ajouté.
La présidente pro-européenne du pays, Salomé Zourabichvili, a de son côté annoncé à l'AFP qu'elle refuserait de rendre son mandat qui se termine cette année tant que de nouvelles élections législatives n'auront pas été organisées.
Le parti au pouvoir, Rêve géorgien, avec lequel elle est en rupture, a remporté le dernier scrutin fin octobre, dénoncé par l'opposition comme entaché d'irrégularités.
Les dernières protestations ont été provoquées par la décision du gouvernement, accusé de dérive autoritaire prorusse, de repousser les discussions sur l'adhésion de ce pays du Caucase à l'UE à 2028.
Des centaines de fonctionnaires, notamment des ministères des Affaires étrangères, de la Défense et de l'Éducation, ainsi que des juges, ont publié des déclarations communes en signe de protestation.
Quelque 160 diplomates géorgiens ont critiqué cette décision, estimant qu'elle était contraire à la Constitution et conduisait "à l'isolement international" du pays.
De nombreux ambassadeurs géorgiens ont démissionné également en signe de protestation.
Plus d'une centaine d'écoles et d'universités ont suspendu leurs activités.
- "Transition stable" -
Jeudi et vendredi, des manifestations nocturnes avaient déjà rassemblé plusieurs milliers de personnes à Tbilissi et dans d'autres villes.
La police dit avoir interpellé près de 150 personnes en deux jours pour "désobéissance" et "vandalisme", tandis qu'au moins 42 policiers ont été blessés.
Le service d'enquête spécial de Géorgie a annoncé avoir ouvert une enquête sur des "allégations d'abus d'autorité par la violence des forces de l'ordre contre des manifestants et des représentants des médias".
Salomé Zourabichvili, qui ne dispose que de pouvoirs limités mais qui soutient le mouvement de protestation, a assuré qu'elle ne quitterait pas ses fonctions comme prévu le 14 décembre.
"Tant qu'il n'y aura pas de nouvelles élections et un Parlement qui élira un nouveau président selon de nouvelles règles, mon mandat se poursuivra", a déclaré la présidente, dans un entretien exclusif à l'AFP.
L'ancienne diplomate française née à Paris a annoncé avoir mis en place samedi un "conseil national" composé de partis d'opposition et de représentants de la société civile, qui assurera "la stabilité dans ce pays".
"Je serai la représentante de cette transition légitime et stable", a-t-elle dit.
- Partenariat stratégique "suspendu" -
Après le vote d'octobre, un groupe d'observateurs électoraux de Géorgie a déclaré avoir des preuves d'un système complexe de fraude électorale à grande échelle.
Bruxelles a exigé une enquête sur ce qu'elle a qualifié de "graves" irrégularités.
Les députés du Rêve géorgien ont eux voté à l'unanimité jeudi pour que Iraki Kobakhidze reste Premier ministre, alors même que l'opposition boycottait le Parlement.
Le porte-parole du département d'État américain, Matthew Miller, a "condamné l'usage excessif de la force contre les Géorgiens exerçant leur liberté de manifester".
"Nous avons suspendu notre partenariat stratégique avec la Géorgie", a-t-il ajouté. "La décision du Rêve géorgien de suspendre l'adhésion à l'UE est une trahison de la Constitution géorgienne".
La France, la Grande-Bretagne, l'Ukraine, la Pologne, la Suède et la Lituanie ont tous exprimé leur inquiétude.
Le bureau des droits de l'homme de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) a jugé "très préoccupante" l'action des forces de l'ordre "lors de manifestations pacifiques en Géorgie". Elle "constitue une grave violation du droit à la liberté de réunion pacifique".
(T.Renner--BBZ)