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Le président syrien Bachar al-Assad a dénoncé lundi une tentative de "redessiner" la carte du Moyen-Orient, après une offensive fulgurante des rebelles qui ont réussi à prendre de vastes régions du nord de la Syrie aux forces gouvernementales.
Pour la première fois depuis le début de la guerre en Syrie en 2011, le régime Assad, un allié de l'Iran et de la Russie, a perdu totalement le contrôle d'Alep, la deuxième ville du pays, un revers cinglant infligé par une coalition incluant le groupe islamiste radical Hayat Tahrir al-Cham (HTS) et des factions rebelles syriennes dont certaines appuyées par Ankara.
En riposte, des avions syriens et russes ont mené de nouvelles frappes sur des secteurs tenus par ces groupes dans la province d'Idleb (nord-ouest), tuant 11 civils dont cinq enfants, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).
Le 27 novembre et à la surprise générale, HTS et rebelles, présents en force dans la province d'Idleb, ont lancé une offensive fulgurante, s'emparant de dizaines de localités ainsi que de la ville septentrionale d'Alep à l'exception de ses quartiers nord habités par des Kurdes.
Dans un entretien téléphonique avec son homologue iranien, Massoud Pezeshkian, le président syrien a déclaré que "l'escalade terroriste" visait à "tenter de morceler la région, d'effriter ses Etats et de redessiner la carte de la région conformément aux intérêts et aux objectifs de l'Amérique et de l'Occident".
- Multitude d'acteurs -
Les violences des derniers jours, les premières de cette ampleur depuis 2020, font craindre une reprise des hostilités à grande échelle dans un pays morcelé en plusieurs zones d'influence, où les belligérants sont soutenus par différentes puissances régionales et internationales.
La Turquie, frontalière de la Syrie, ainsi que l'Iran, la Russie et les Etats-Unis ont une présence militaire en Syrie, où la guerre déclenchée avec la répression brutale de manifestations prodémocratie a fait environ un demi-million de morts.
Le début de l'offensive rebelle a coïncidé avec l'entrée en vigueur d'un cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah libanais, un allié de M. Assad et de l'Iran sorti affaibli de la guerre au Liban.
C'est grâce à l'appui militaire de la Russie, de l'Iran et du Hezbollah que le régime Assad avait réussi en 2011 à inverser le cours de la guerre en reprenant une grande partie du territoire et en 2016 la totalité d'Alep, deuxième ville de Syrie.
Accaparée aujourd'hui par sa guerre contre l'Ukraine, la Russie, qui dispose de plusieurs bases en Syrie, a dit vouloir aider M. Assad et ses forces à "repousser" les rebelles.
L'Iran a lui réitéré son soutien "ferme" au régime Assad, et son chef de la diplomatie, Abbas Araghchi, a rencontré les responsables turcs à Ankara après un entretien avec M. Assad.
- "Une erreur" -
"Ce serait une erreur, à ce stade, d'essayer d'expliquer les événements en Syrie par une quelconque ingérence étrangère", a affirmé le ministre turc des Affaires étrangères, Hakan Fidan, dont le pays contrôle plusieurs zones du nord syrien et soutient plusieurs groupes rebelles en Syrie.
Dans la ville d'Alep, des images de l'AFPTV ont montré des rebelles armés patrouillant dans les rues d'Alep à bord de véhicules militaires ou à pied. Certains ont incendié un drapeau syrien ou un portrait de M. Assad, d'autres ont brandi le drapeau de la révolution. Même si la plupart des rues semblent vides, des Syriens sont sortis pour acclamer l'avancée des combattants antigouvernementaux.
Ces derniers "se veulent bienveillants et ont "distribué du pain gratuitement aux carrefours" dimanche, a indiqué un habitant joint par téléphone.
Les rebelles ont atteint la citadelle historique d'Alep et pris des bâtiments gouvernementaux, des prisons et l'aéroport international d'Alep "sans rencontrer de résistance significative", a dit l'OSDH.
Dans un communiqué conjoint, les Etats-Unis, la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni ont appelé dimanche à la "désescalade" en Syrie, soulignant l'urgence d'une "solution politique".
Les Etats-Unis, qui disposent eux aussi de soldats au sol dans le nord de la Syrie, soutiennent les Forces démocratiques syriennes (FDS) dominées par les Kurdes, qui ont combattu le groupe jihadiste Etat islamique (EI) en Syrie.
- Front Kurdes/rebelles -
Les FDS oeuvrent pour évacuer "en toute sécurité" des civils kurdes de secteurs de la province d'Alep, notamment la ville de Tal-Rifaat, vers leurs "zones sûres dans le nord du pays", où elles ont instauré une administration autonome, a déclaré leur chef Mazloum Abdi.
Dimanche, des groupes rebelles proturcs ont annoncé avoir pris aux forces kurdes Tal Rifaat proche de la frontière turque, où selon l'Observatoire environ 200.000 Kurdes syriens sont encerclés.
Avant l'offensive de HTS et des rebelles, qui contrôlent une bonne partie de la province d'Idleb, ainsi que des secteurs des provinces d'Alep, de Hama et de Lattaquié, le nord-ouest de la Syrie bénéficiait d'un calme précaire en vertu d'un cessez-le-feu instauré en 2020, sous le parrainage d'Ankara et de Moscou.
(T.Renner--BBZ)