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Et maintenant ? Au lendemain d'une censure historique, Michel Barnier est à l'Elysée jeudi matin pour présenter sa démission à Emmanuel Macron qui va s'exprimer à 20 heures à la télévision pour tenter de fixer un cap alors que s'ouvre une période d'une rare incertitude politique et budgétaire.
Michel Barnier, renversé mercredi soir par 331 députés et qui détient désormais le peu enviable record de brièveté à Matignon sous la Ve République, est arrivé jeudi à l'Élysée à 10 heures pour remettre sa démission, conformément à l'article 50 de la Constitution après l'adoption d'une motion de censure.
Quand sera nommé le nouveau Premier ministre ? La présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet a exhorté jeudi matin Emmanuel Macron à le faire "rapidement" pour "ne pas laisser s'installer le flottement".
L'entourage du chef de l'Etat ne fournit à ce stade aucun calendrier, mais plusieurs de ses familiers ont confié qu'il entendait cette fois agir vite. Dès jeudi soir ? "Il n'a pas le choix", s'avance un de ses proches.
La Bourse de Paris a ouvert en très légère baisse (-0,28%), mais l'agence Moody's met déjà en garde sur le fait que la chute du gouvernement "réduit la probabilité d'une consolidation" des finances publiques.
Il faut donc nommer un Premier ministre "au plus vite" pour Xavier Bertrand (LR), le patron des socialistes, Olivier Faure, demandant sur France Inter au président de la République de consulter dans la journée "l'ensemble des chefs de parti".
Avec la chute de Michel Barnier, la crise politique ouverte avec la dissolution de l'Assemblée nationale le 9 juin a franchi un cap inédit: pour la première fois depuis 1962, un Premier ministre a été renversé par l'Assemblée nationale après avoir engagé sa responsabilité.
64% des sondés se disent favorables à la démission d'Emmanuel Macron, un souhait très prononcé chez les sympathisants de LFI et du RN.
La France insoumise continue de réclamer des présidentielles anticipées.
"Si on veut ramener une solution de stabilité, (cela) passe par le départ du président de la République", a martelé le coordinateur du mouvement Manuel Bompard.
Marine Le Pen n'a pas formellement réclamé une démission du président, mais elle estime que "la pression" à son endroit "sera évidemment de plus en plus forte" si "on ne prend pas la voix du respect des électeurs".
Elle a aussi assuré mercredi qu'elle et les siens "laisseront travailler" le futur Premier ministre, afin de "co-construire" un budget "acceptable pour tous". Mais les lignes rouges du RN, incluant la réindexation des retraites sur l'inflation, "ne bougeront pas", a prévenu le député Jean-Philippe Tanguy.
- Accord de non censure ? -
Il s'agit désormais pour le chef de l'Etat de résoudre la quadrature du cercle, entre reconduite du "socle commun" entre macronistes et LR ou élargissement de ses contours afin de dégager une coalition gouvernementale plus solide pour résister à une future tentative de censure.
Les Républicains ne "feront pas tomber" le prochain gouvernement même s'ils décidaient de ne pas y participer, a assuré leur chef de file à l'Assemblée Laurent Wauquiez. "On ne sera pas dans le blocage, on ne sera pas dans la stratégie du pire", a-t-il ajouté, conditionnant la participation de son parti à la nouvelle équipe en fonction des priorités mises sur la table.
Le patron des députés macronistes, Gabriel Attal, qui va réunir les ténors de Renaissance dans la matinée, propose, lui, un accord de "non censure" avec le PS pour échapper à la tutelle du RN.
L'équation est d'autant plus complexe qu'une nouvelle dissolution et de nouvelles élections législatives ne peuvent pas intervenir avant juillet.
D'ici là, qui pour Matignon ? Les noms du président du MoDem François Bayrou, du ministre des Armées Sébastien Lecornu, de Xavier Bertrand, de l'ex-Premier ministre socialiste Bernard Cazeneuve ou du maire de Troyes François Baroin circulent.
Le très droitier ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, jugé parfois proche des idées du RN, ou le macroniste historique Roland Lescure, associé à la branche sociale-démocrate de Renaissance, font également l'objet de supputations.
La cheffe de file des députés LFI Mathilde Panot a confirmé que son groupe censurerait tout Premier ministre qui n'est pas issu du Nouveau Front populaire, y compris donc Bernard Cazeneuve.
La tâche du futur titulaire s'annonce quoi qu'il en soit immense. Dans son discours devant l'Assemblée qui s'apprêtait à le congédier, Michel Barnier a prévenu: la "réalité" budgétaire ne "disparaîtra pas par l'enchantement d'une motion de censure".
Attendu à 6,1% du PIB en 2024, bien plus que les 4,4% prévus à l'automne 2023, le déficit public raterait son objectif de 5% en l'absence de budget, et l'incertitude politique pèserait sur le coût de la dette et la croissance.
Emmanuel Macron, qui avait appelé mardi à "ne pas faire peur", devra jeudi se montrer convaincant pour rassurer. Une mission d'autant plus ardue que sa popularité est au plus bas depuis son arrivée au pouvoir en 2017, ou depuis la crise des gilets jaunes l'année suivante, selon les baromètres.
(S.G.Stein--BBZ)