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Le Premier ministre chargé de la transition en Syrie, Mohammad al-Bachir, a assuré mercredi que la coalition de rebelles islamistes qui a chassé du pouvoir Bachar al-Assad garantirait les droits de toutes les communautés, et appelé les millions de Syriens exilés à rentrer.
Alors que des pays occidentaux s'inquiètent de la façon dont le nouveau pouvoir, dominé par le groupe islamiste radical Hayat Tahrir al-Sham (HTS), ancienne branche syrienne d'Al-Qaïda, va traiter les nombreuses minorités en Syrie, M. Bachir a voulu rassurer.
"C'est précisément parce que nous sommes musulmans que nous garantirons les droits de tous les peuples et de toutes les confessions en Syrie", a-t-il affirmé dans une interview au quotidien italien Corriere della Sera, au lendemain de sa nomination pour diriger un gouvernement transitoire jusqu'au 1er mars.
HTS affirme avoir rompu avec le jihadisme mais il reste classé terroriste par plusieurs pays occidentaux, dont les Etats-Unis.
M. Bachir a en outre appelé les Syriens de l'étranger à rentrer chez eux pour "reconstruire" le pays où habitent sunnites, alaouites, chrétiens, druzes ou encore Kurdes.
Quelque six millions de Syriens, soit un quart de la population, ont fui le pays depuis 2011, quand la répression de manifestations prodémocratie a entraîné une guerre dévastatrice.
- "Désormais un pays libre" -
Morcelée par 13 ans de conflit, qui a fait plus d'un demi-million de morts, "la Syrie est désormais un pays libre qui a gagné sa fierté et sa dignité. Revenez", a-t-il clamé.
Après la prise de Damas dimanche par les rebelles, à l'issue d'une offensive fulgurante de onze jours, plusieurs pays, dont l'Allemagne, l'Autriche ou le Royaume-Uni, ont gelé les procédures de demandes d'asile de ressortissants syriens.
Mais pour beaucoup de Syriens, la priorité reste la quête de proches disparus happés par des décennies de féroce répression.
- "Transition inclusive" -
Venu de Deraa, dans le sud, Nabil Hariri examine dans la morgue d'un hôpital de la capitale des photos de cadavres, à la recherche de son frère, arrêté en 2014 à 13 ans à peine. "Quand on se noie, on s'accroche à n'importe quoi", dit cet homme de 39 ans.
Depuis 2011, plus de 100.000 personnes ont péri dans les prisons syriennes, estimait en 2022 l'Observatoire syrien des droits de l'homme, OSDH.
Abou Mohammad al-Jolani, le chef de HTS, qui a mené l'offensive rebelle lancée le 27 novembre, a réaffirmé mercredi que "les personnes impliquées dans la torture et l'élimination des détenus" seraient poursuivis, et demandé leur remise par les pays où ils auraient fui.
Des combattants rebelles ont incendié le tombeau du père et prédécesseur du président déchu, Hafez al-Assad, dans son village natal de la région côtière de Lattaquié, selon des images de l'AFP.
Plusieurs capitales étrangères et l'ONU ont pris acte des signaux envoyés par le nouveau pouvoir, tout en soulignant qu'ils devaient être traduits en actes et mettant en garde contre des ingérences étrangères.
L'ONU est "totalement engagée à soutenir une transition en douceur", a déclaré mercredi son secrétaire général Antonio Guterres.
Le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken aura jeudi en Jordanie et vendredi en Turquie des entretiens sur la Syrie, au cours desquels il "réitérera le soutien des Etats-Unis à une transition inclusive (...) vers un gouvernement responsable et représentatif", selon le département d'Etat.
Berlin a de son côté exhorté la Turquie, qui soutient des groupes rebelles face aux Kurdes, et Israël, mobilisé pour prévenir toute menace venue du pays voisin, à ne pas mettre en péril la transition en Syrie.
- Trêve sur le front kurde -
La Russie, soutien jusque-là du pouvoir déchu et où a fui M. Assad, a souhaité une situation "stabilisée le plus vite possible", indiquant être "en contact" avec les nouvelles autorités, notamment concernant l'avenir des deux bases militaires russes dans le pays.
Le Qatar a annoncé la réouverture prochaine de son ambassade en Syrie, avec laquelle il avait rompu les liens sous l'ancien pouvoir.
Alors qu'experts et capitales étrangères mettent en garde contre des combats entre différents groupes dans le pays, des affrontements entre rebelles proturcs et forces prokurdes ont fait 218 morts en trois jours dans la région de Manbij, dans le nord de la Syrie, a indiqué mardi l'OSDH.
Le chef des Forces démocratiques syriennes (FDS, dominées par les Kurdes et soutenues par les Etats-Unis), qui contrôlent de vastes régions du nord-est de la Syrie, a annoncé mercredi une trêve via une médiation américaine avec les groupes proturcs.
Mardi soir, des rebelles avaient par ailleurs affirmé s'être emparés de la ville de Deir Ezzor, dans l'est du pays, qui étaient contrôlées par les forces kurdes, selon l'OSDH.
De son côté, Israël affiche sa détermination à ne permettre "à aucune force hostile de s'établir à sa frontière" en Syrie, selon les mots de son Premier ministre, Benjamin Netanyahu.
L'armée israélienne a dit mardi avoir mené en 48 heures des centaines de frappes à travers le pays voisin contre des sites militaires stratégiques "pour empêcher qu'ils ne tombent aux mains d’éléments terroristes".
(B.Hartmann--BBZ)