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Une roue de secours en attendant un budget: l'Assemblée nationale a adopté lundi à l'unanimité la "loi spéciale", autorisant l'exécutif à prélever l'impôt et à emprunter pour financer l'Etat et la Sécurité sociale, les députés se projetant déjà sur le bras de fer budgétaire après les fêtes.
Déposé en réaction à la censure de Michel Barnier et à l'impasse politique qui a empêché l'adoption d'un budget pour 2025, le texte, qui sera examiné mercredi au Sénat, a été adopté par l'ensemble des 481 députés votants.
Les députés LFI se sont toutefois abstenus, déplorant, comme la plupart des oppositions, que la présidente de l'Assemblée Yaël Braun-Pivet déclare irrecevables des amendements pour indexer sur l'inflation le barème de l'impôt sur le revenu.
La titulaire du perchoir s'est notamment appuyée sur un avis du Conseil d'Etat. Pour ce dernier, la loi spéciale n'était pas le texte adéquat pour cette indexation, qui la ferait sortir de son périmètre de reconduction des impôts existants.
Mais des députés d'opposition le contestent, estimant qu'il valait mieux laisser le Conseil constitutionnel trancher une fois la loi adoptée.
"La macronie a décidé de faire payer la censure aux Français", a tancé sur X la vice-présidente de l'Assemblée Clémence Guetté (LFI). "Je décide en droit, pas en fonction de mon intérêt politique (...) vous devriez peut-être y songer", a rétorqué Mme Braun-Pivet.
Car au-delà du débat juridique se joue une bataille politique sur "la facture de la censure", martelée à la tribune par Véronique Louwagie (Droite républicaine). A défaut d'indexation, "380.000 nouveaux foyers" pourraient se retrouver imposables in fine, selon le ministre du Budget démissionnaire Laurent Saint-Martin.
Le tir pourrait cependant être corrigé dans un projet de budget ou un autre texte début 2025, d'autant que les contribuables concernés n'entreraient pas dans le périmètre de l'impôt dès le 1er janvier, mais plus tard dans l'année.
- Nouveaux débats en début d'année -
En attendant, l'Etat fonctionnera avec cette loi spéciale, dont l'article principal permet à l'exécutif de lever les impôts sur la base des budgets votés l'an dernier pour 2024.
L'exécutif pourra ensuite engager des dépenses par décret, mais devra se contenter du "minimum de crédits" qu'il "juge indispensable pour poursuivre l'exécution des services publics". Les députés ont également adopté un amendement pour graver dans le texte les prélèvements sur les recettes de l'Etat au profit des collectivités.
"Au grand désespoir des corbeaux de malheur de la macronie et de la droite macronisée. Il n'y aura donc pas de +shutdown+" avec la censure, a lancé Jean-Philippe Tanguy (RN).
Le gouvernement ne pourra toutefois "pas augmenter", au-delà "du strict minimum", les budgets de certains ministères qui devaient être revalorisés, a argué Laurent Saint-Martin, prenant l'exemple des Armées, de la Justice et de l'Intérieur. Et l'exécutif ne pourra pas procéder à de "nouveaux investissements", "sauf nécessité pour la continuité de la vie nationale ou motif d'urgence caractérisée", a-t-il expliqué.
"L'aide à Mayotte", lourdement frappée par le cyclone Chido, "sera rendue possible", a-t-il assuré.
Charge ensuite au futur gouvernement de François Bayrou de faire passer de véritables textes budgétaires pour 2025, en évitant la censure.
Eric Coquerel, président LFI de la commission des Finances, a promis de s'opposer à "tout budget austéritaire".
Constatant que l'adoption du budget 2025 "n'interviendra pas avant plusieurs mois", le rapporteur général du budget Charles de Courson (centriste) et Eric Coquerel ont demandé au nouveau Premier ministre que puissent entrer en vigueur rapidement des dispositions fiscales faisant "consensus" et "urgentes".
Dans leur viseur notamment "la prorogation d'impôts et crédits d'impôts" expirant le 31 décembre, "l'exonération fiscale et sociale de pourboires (...), l'indexation sur l'inflation du barème de l'impôt sur le revenu, l'extension du prêt à taux zéro" et certaines "dispositions en faveur des agriculteurs".
Ils demandent qu'un projet de loi comportant ces mesures soit débattu "dès la reprise des travaux" à l'Assemblée, le 13 janvier.
(A.Berg--BBZ)