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Impuissantes et débordées au départ de la contestation anti-mesures sanitaires au Canada, les forces de l'ordre sont maintenant confrontées à une situation complexe et périlleuse pour déloger les manifestants des rues d'Ottawa sans heurts, estiment des experts du maintien de l'ordre.
Et cela pourrait durer des jours, a prévenu le nouveau chef de la police de la ville en prenant ses fonctions. "Il faudra du temps pour accomplir tout cela correctement", a déclaré Steve Bell qui a aussi expliqué être prêt à employer des techniques qui "ne sont pas couramment vues à Ottawa".
Quand les camionneurs, du convoi dit de la "liberté", sont arrivés dans les rues de la capitale fédérale le 29 janvier après avoir traversé le pays, ils se sont posés en face du parlement fédéral.
Presque trois semaines plus tard, ils n'ont pas bougé et ont pris leurs quartiers (tentes, stands de nourriture, jeux pour enfants)...
Pour la première fois depuis le début du mouvement, elle s'est déployée en masse dans les rues d'Ottawa jeudi matin.
Différents échelons des forces de l'ordre sont maintenant présents; des agents de la GRC (Gendarmerie royale du Canada), de la police provinciale, du service de police de la ville d'Ottawa ou d'autres villes de la province.
- Négocier, convaincre -
"Beaucoup de choses ont été faites pour essayer de les convaincre de partir. Là, on est à un point où les messages ont été délivrés", indique à l'AFP Charles Bordeleau, chef de la police d'Ottawa de 2012 à 2019.
Mercredi, les policiers canadiens, jusqu'à présent en retrait, sont passés de camion en camion pour distribuer des tracts ordonnant aux participants de quitter les lieux.
Avec la mise en place de la loi d'urgence, invoquée par Justin Trudeau lundi, les policiers disposent d'un arsenal d'outils légaux très développé: les manifestants risquent jusqu'à un an d'emprisonnement, des amendes allant jusqu'à 100.000 dollars canadiens (70.000 euros), le gel des comptes bancaires, la suspension de leurs permis de conduire, etc.
Et la police dispose de "techniques appropriées et légitimes pour expulser quiconque refuse d'obtempérer", a affirmé Steve Bell.
En outre, la ville d'Ottawa peut désormais exiger de la part des compagnies de remorquage qu'elles embarquent des camions - plusieurs avaient au départ refusé.
Mais cette opération va se dérouler dans un contexte "très volatil", s'inquiète auprès de l'AFP Pierre-Yves Bourduas, ancien sous-commissaire adjoint à la GRC, évoquant la présence "d'éléments très radicaux" mais aussi de nombreux enfants dans la manifestation, y compris des bébés.
Les gaz lacrymogènes devraient donc être évités pour disperser les manifestants, mais il y aura une présence policière accrue selon les experts.
A l'instar de l'évacuation cette semaine des manifestants au pont frontalier Ambassador, à Windsor, M. Bordeleau indique que l'usage de la force dépendra de la résistance ou non des manifestants.
- "Je gagne ça ou je meurs" -
De nombreux camionneurs et manifestants se disent déterminés à rester jusqu'à l'abandon des obligations vaccinales, la plupart tiennent à ce que la protestation se déroule pacifiquement.
Mais certains sont plus remontés: assis dans son camion, Csaba Vizi klaxonne, sourit de l'absence de réaction des policiers jusqu'ici. Ce camionneur de 50 ans se dit prêt à "rentrer chez lui glorieux comme César, ou dans un sac mortuaire".
"Je n'ai rien à perdre, je gagne ça ou je meurs", affirme cet homme à la triple nationalité hongroise, roumaine et canadienne.
Mais pour les experts, cette gestion de la crise par la police laissera forcément des traces.
"Les problèmes qu'on n'a ne sont pas des problèmes de ressources ou d'effectifs, c'est une question de leadership, de gestion et de gouvernance", pointe auprès de l'AFP Christian Leuprecht, professeur au Collège militaire royal du Canada et spécialiste de la police.
Pour cet expert, cette manifestation démontre qu'une refonte de l'architecture du système de sécurité nationale, devenue obsolète au XXIe siècle, est plus que nécessaire.
(F.Schuster--BBZ)