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En plein centre de Paris, une cathédrale souterraine doit empêcher ou limiter la pollution dans la Seine en cas de fortes pluies: le bassin de stockage des eaux usées et pluviales d'Austerlitz sera inauguré jeudi, à trois mois des épreuves olympiques prévues dans le fleuve.
Dans le triangle entre la gare d'Austerlitz, l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière et le métro aérien, le quartier du Jardin des Plantes compte une nouvelle structure monumentale.
Mais à la différence de ses voisins, le bassin d'Austerlitz, dont la construction a coûté la vie à un ouvrier en 2023, ne s'inscrit pas dans le paysage urbain de la capitale.
Et pour cause: l'ouvrage de béton a été creusé en sous-sol, sous un square, afin de recevoir, via deux prises d'eau situées de chaque côté de la Seine, jusqu'à 50.000 m3 d'eaux usées et pluviales de la capitale en cas de fortes pluies.
L'équivalent de 20 piscines olympiques, répète la mairie de Paris, qui a fait construire, pour un budget final d'environ 100 millions d'euros, un cylindre de 50 m de diamètre pour 30 m de profondeur. Un ouvrage vertigineux à la descente.
Ses 16 piliers, appelés "barrettes", vont jusqu'à 80 m sous terre, soit 50 m plus loin que le fond du bassin, accentuant la verticalité du site.
"C'est la deuxième cathédrale de Paris", commente Antoine Guillou, l'adjoint chargé de la propreté et du réseau d'assainissement, qui doit avec ce bassin devenir plus "résilient".
Créé par l'ingénieur Eugène Belgrand au milieu du XIXe siècle, le vieux réseau d'égouts de la capitale est unitaire, c'est-à-dire mélangeant eaux usées et pluviales.
Or son fonctionnement "est très dépendant de la météo", résume Antoine Guillou: en cas de fortes précipitations, 44 déversoirs d'orage recrachent ce mélange dans le fleuve pour éviter que les égouts ne débordent.
En absorbant ce trop-plein, avant de le rendre au réseau d'assainissement via un système de pompage, le bassin d'Austerlitz doit permettre de "diminuer le volume" d'eaux impropres rejetées dans la Seine, souligne M. Guillou.
"Dans le principe et dans le volume, il n'a rien d'exceptionnel. Ce qu'il a d'exceptionnel, c'est son insertion au cœur de Paris", explique Samuel Colin-Canivez, le responsable grands travaux du réseau d'assainissement parisien.
- "Réduire les impacts" -
C'est un ouvrage majeur du Plan baignade, dans lequel les autorités ont investi environ 1,4 milliard d'euros pour permettre au grand public de plonger dès 2025 dans la Seine. Les déversements dans la Seine ont déjà été réduits par dix depuis la fin des années 1990.
Les JO (26 juillet - 11 août), qui doivent célébrer le retour de cette pratique historique, avec la tenue dans le fleuve des épreuves de natation marathon et triathlon, ont permis d'accélérer les travaux.
Mais en août 2023, les répétitions ont tourné au cauchemar pour les organisateurs, forcés d'annuler la compétition de natation marathon car les seuils de qualité de l'eau étaient nettement dépassés, après de fortes pluies.
"L'ensemble des investissements ne permet pas de faire face à cet épisode" de l'été dernier, "extrêmement rare", mais il "réduit ses impacts", mesure Antoine Guillou.
Ancien président de France Nature Environnement (FNE) Ile-de-France, Michel Riottot affirme qu'une "grosse pluie rapide" va vite "saturer" le nouvel ouvrage.
"A Paris, les égouts, tunnels et bassins comme Austerlitz stockent 1,9 million m3 d'eau. Une petite pluie de 10 mm, c'est 1 million de m3. Avec une grosse pluie cévenole de 20 mm, vous allez déborder de partout", calcule cet ancien ingénieur de recherche au CNRS.
"Quand on (aura) une pluie intense, de toute façon, on rejettera et on n'atteindra pas les critères de baignabilité", reconnaît M. Colin-Canivez. Mais "on va forcément s'améliorer sur la charge bactériologique qu'on donne au milieu (naturel). Donc on va gagner en nombre de jours de baignabilité", insiste-t-il.
"On peut comprendre qu'il y ait beaucoup de gens sceptiques", ajoute M. Guillou, rappelant que cela fait "un siècle que la baignade en Seine est interdite".
Selon la mairie, grâce à Austerlitz, "les vannes de déversement ne seront désormais ouvertes que pour les pluies les plus importantes, en moyenne deux fois par an".
(T.Renner--BBZ)