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New York accueille pour la première fois le sommet de la Coupe du monde de cricket entre l'Inde et le Pakistan, l'occasion pour les milliers de passionnés de la métropole américaine de vibrer.
"Inde-Pakistan, c'est le match que tout le monde voudrait voir, et il a lieu chez nous!", s'enthousiasme Ajith Shetty, d'origine indienne et président de deux ligues locales, dont la Commonwealth Cricket League, la plus renommée de la région.
Pourtant, à une dizaine de kilomètres du stade inauguré à l'occasion du tournoi, la plupart des personnes croisées à Little India, dans le Queens, n'ont pas de billet pour le match de dimanche.
"Je me suis renseigné, mais c'était tellement cher", regrette Rajeet Krishna, qui regardera le match sur son portable.
Deux nations rivales, "Pakistan contre Inde, c'est toujours un match particulier", rappelle Rajeet. Les 34.000 places de l'arène sont vendues depuis plusieurs mois.
- 800 dollars la place -
Jamais une coupe du monde de cricket n'avait encore été organisée sur le territoire américain. Cette version, appelée T20, se joue dans un format plus resserré que les matchs traditionnels.
A quelques heures du coup d'envoi, il fallait ainsi débourser, au minimum, 800 dollars pour siéger dans les gradins du stade éphémère d'Eisenhower Park, à l'est de la ville de New York, à Long Island.
"La Coupe du monde aux Etats-Unis est un moyen de développer ce sport et d'augmenter son audience, pas de se faire de l'argent sur les recettes aux guichets", a critiqué, sur X (ancien Twitter), l'ancien président de la prestigieuse Indian Premier League (IPL) Lalit Modi.
L'affiche passionne aussi nombre d'immigrés d'autres pays d'Asie du Sud. "Même si je ne suis ni indien ni pakistanais, je vais regarder, car c'est un match à haute tension," confie Faros Ahmed, Bangladais de 58 ans, qui soutient le Pakistan et prévoit de diffuser le match dans son restaurant.
- "Le lion et le tigre" -
"C'est une rencontre à haute tension. Comme le lion et le tigre", martèle-t-il.
L'Inde et le Pakistan, "c'est une longue histoire", insiste Rajeet. Les deux pays n'en formaient qu'un jusqu'en 1947.
Les face-à-face entre ces deux bastions du cricket sont pourtant rares. Ils ne s'affrontent pas hors des compétitions officielles de la fédération internationale (ICC) et leur dernier test match, format classique du cricket, remonte à 2007.
"Nous allons prendre notre revanche, nous allons les battre," espère Roop Sajnani, d'origine indienne et gérant d'un magasin de saris. A 85 ans, il reste marqué par le déplacement de sa famille, hindoue, depuis le Pakistan vers l'Inde, lors de l'exode qui a précédé la partition.
"Je n'ai jamais été aussi excité et terrifié à la fois par un match de cricket", a lancé Wajahat Khan, journaliste pakistanais vivant à Manhattan.
"Le Pakistan vit une crise financière et l'une des pires périodes pour son cricket, tandis que l'Inde est en plein essor économique et dans le sport", résume-t-il. "Ca devrait être un bain de sang, mais vous ne pouvez jamais donner l'équipe du Pakistan pour morte."
Nombreux commerces et restaurants de Little India sont tenus par des Bangladais. Beaucoup se sont rangés derrière le Pakistan, dont leur pays ne s'est émancipé qu'en 1971.
"Disons qu'on aimerait voir l'Inde perdre contre tout le monde", glisse, dans un sourire, Mostakim Shahed, étudiant de 20 ans, originaire du Bangladesh.
"En Asie, l'Inde est la meilleure équipe, la plus riche, et ils ont déjà plein de supporteurs. Tandis que le Pakistan, lui, n'en a pas vraiment".
- "Devenir grand public" -
La rencontre de dimanche est d'autant plus cruciale que le Pakistan, sixième équipe mondiale, risque l'élimination dès le premier tour après une sortie de route, jeudi, face aux Etats-Unis, 18eme.
"Ils s'en tirent vraiment bien. On est très contents", explique Rahul Sharma, d'origine bangladaise, au sujet de l'équipe américaine. "Ils rendent fier ce pays. Espérons que cela draine davantage de personnes vers le cricket."
"Le cricket est en train de devenir grand public" aux Etats-Unis, avance Ajith Shetty. "Tous les journaux télé en parlent. (...) Les gens vont commencer à respecter et comprendre ce sport."
Au-delà du tournoi, qui s'achèvera fin juin, "les joueurs locaux pourraient bénéficier de nouvelles opportunités, avoir de meilleures infrastructures", espère-t-il.
Ils ne profiteront pas, néanmoins, du stade de Long Island, qui doit être démonté dès juillet. Le cricket local reprendra sa quête d'une arène dédiée à New York, un rêve de longue date.
(Y.Berger--BBZ)