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Cette fois, il a abdiqué. Vidé de ses forces, Jonas Vingegaard a craqué dans les bras de sa compagne à Isola 2000 vendredi, déchu de sa couronne par le nouveau coup de grâce de Tadej Pogacar, à deux jours de la fin du Tour.
"J'ai toujours dit depuis le début que ce serait fou si je pouvais être à la lutte pour la victoire avec un mois et demi de préparation, je l'ai fait pendant deux semaines et demi et maintenant le combat pour la victoire est terminé", a lâché le Danois.
"Mais la bataille pour la deuxième place n'est pas finie", s'est-il empressé d'ajouter, accroché à sa place de dauphin du Slovène, comme s'il voulait à tout prix éviter l'irruption d'un troisième larron belge dans le duel acharné que se livrent les deux hommes depuis 2021.
Sauf accident, Jonas Vingegaard ne remportera pas de troisième Tour de France consécutif, rattrapé par le niveau d'un rival hors-normes et par une préparation tronquée par sa terrible chute du mois d'avril durant le Tour du Pays basque.
- "plan parfait" -
"Je suis venu sur ce Tour en sachant que ce serait difficile, on savait que c'était une possibilité donc j'y étais prêt mentalement", a assuré le double vainqueur sortant.
Il a pourtant eu envie d'y croire, et son équipe Visma-Lease a bike l'a suivi dans son ambition de rendre la journée folle sur les pentes pelées de la Cime de la Bonnette, là où l'air se raréfie et où la course peut basculer dans l'irrationnel.
"Le plan c"était d"avoir moi ou Wilco (Kelderman) ou les deux idéalement dans l"échappée pour être devant pour Jonas, il voulait tenter quelque chose de loin s'il avait eu des bonnes sensations", a expliqué son lieutenant Matteo Jorgenson, parti très tôt dans une échappée où l'ont accompagné Kelderman et Christophe Laporte.
Un "plan parfait" et "agressif" selon le directeur sportif Grischa Niermann, coutumier de ces tactiques au long cours visant à asphyxier les adversaires, en particulier Pogacar, pour les laisser sans ressources au moment de conclure.
Les fantômes du Granon ont d'ailleurs pu commencer à rôder autour de Pogacar. En 2022, le Slovène, maillot jaune sur le dos, avait explosé, poussé à bout par les coups de boutoir de l'ex-Jumbo.
Mais la formation néerlandaise avait alors d'autres atouts à faire valoir, avec Roglic dans le rôle du deuxième homme et un Vingegaard aérien.
- Pragmatisme -
Cette fois-ci, ses jambes chétives n'ont pas répondu comme il voulait, tandis que Nils Politt, rouleur en chef de l'équipe UAE, écrasait ses pédales comme pour aplanir l'ascension vers la plus haute route de France.
Alors plutôt que de se lancer dans une bataille perdue d'avance, "Vingo" a fait savoir à son équipe que les grandes manoeuvres n'auraient pas lieu.
"A la moitié de l'étape, j'ai dû changer d'état d’esprit (...), au lieu d'attaquer, j'ai décidé de suivre", souligne-t-il, pragmatique, avec le calme de celui qui est capable de choisir ses combats.
"Quand on a les jambes que j'ai en ce moment, il faut s'adapter et courir pour la deuxième place", a estimé le leader de la Visma, longuement consolé par sa femme Trine une fois arrivé à Isola 2000.
"On avait le rêve de gagner le Tour avec Jonas, mais il faut être réaliste. Pogacar est trop fort, Jonas est le deuxième meilleur coureur, et on est fiers de lui", a déclaré son patron Grischa Niermann.
Une deuxième place qui reste à valider, alors que Remco Evenepoel pointe à 1 min 58 de Vingegaard. Le jeune loup belge a sorti les crocs dans les pentes d'Isola 2000, tentant de décrocher le Danois, resté scotché à sa roue jusqu'à la ligne d'arrivée.
Et Vingegaard l'admet, sa tactique ne devrait pas être différente samedi sur les routes abruptes qui mèneront le peloton jusqu'au col de la Couillole, avant un contre-la-montre déterminant dimanche. "Je vais devoir faire de mon mieux pour garder ma deuxième place, demain je pense que je vais continuer d'essayer de suivre Remco."
(P.Werner--BBZ)