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Enlisé depuis plusieurs jours dans la pétole, une mer d'huile quasi sans vent, l'aventurier Guirec Soudée raconte dans son 3e carnet de bord pour l'AFP les aléas su "Pot-au-Noir", une zone imprévisible dont il espère bientôt s'extirper pour atteindre enfin l'hémisphère sud.
"Je suis toujours dans le Pot-au-Noir, et ce n’est pas simple. Le vent est pleine face, et je passe mon temps à essayer de trouver la bonne trajectoire, la bonne voile et à observer les nuages pour anticiper les grains.
En fonction de leur couleur, de l'épaisseur, ce sont des messages que j'essaye de retranscrire derrière dans ma navigation car ici les fichiers météo ne sont pas du tout raccord, ce n'est pas facile à comprendre, c'est un peu la loterie en permanence.
Je suis constamment en action et la nuit dernière (vendredi) je n'ai pas dormi du tout. J'ai enchaîné ce matin avec deux siestes de vingt minutes, c'était le grand luxe.
Mais c'est vraiment la roulette russe dans cette zone, il y a des orages, pas de vent, puis des risées. Hier, ça stoppait net devant, j'ai pu remonter des places, mais là ça revient de derrière samedi... Il y a une bonne part de hasard.
J'espère en voir le bout très bientôt de ce Pot-au-Noir, car je viens de passer deux jours dans la pétole, avec seulement 4 nœuds de vent... C'est bien plus épuisant que quand il y a du vent, même si ce n'est pas dangereux. Tu passes ton temps à essayer de récupérer la moindre risée pour avancer.
Quand ça va vite, que le bateau est bien réglé, tu peux te concentrer sur le reste : la météo, le repos, le bricolage et surtout profiter du paysage. Là, c'est impossible. Hier j'avais super faim, j'ai pris un p'tit déj' à 8 heures et ensuite je n'ai pas réussi à manger avant 19 heures car je me concentrais uniquement sur la navigation.
Mais à part ça le moral est au top ! Cela fait douze jours que je suis en mer et je suis vraiment heureux : trois ans que je n'avais pas passé autant de temps en solitaire. Le temps passe vite quand on ne s'ennuie pas et c'est tellement bon de savoir qu'il me reste encore des semaines en mer tout seul: ce n'est que le début et tant mieux.
Dans notre groupe, on se rapproche de l'équateur, ça chauffe bien. Heureusement, j’ai un petit ventilateur pour me rafraichir. Passer cet endroit, c'est un vrai moment fort du voyage, tu sens que tu es sur la bonne route, à proximité de la frontière des 40e et du Grand Sud.
La prochaine fois que je le passerai, dans l'autre sens, je serai presque à la maison. Pour l'instant, je n'y pense pas trop vu ma vitesse. Je me demande même si à ce rythme, je ne vais pas finir le Vendée Globe en 2026...
Souvent, on offre un peu d'alcool à Neptune quand on passe l'équateur. Mais moi, je ne bois pas d'alcool, donc je vais trinquer avec un bon verre de jus de pomme, c'est parfait pour marquer l’occasion. On y est presque, direction les quarantièmes et le surf sur la belle houle. J'ai hâte d'y être"
Propos recueillis par François D'ASTIER.
(S.G.Stein--BBZ)