AEX
3.2500
Dirigeant aux trois Mondiaux, international à zéro sélection, le directeur général de la Coupe du monde 2023 Claude Atcher, un touche-à-tout redoutablement efficace au parcours parfois sinueux, a été révoqué de son poste après la dénonciation d'un climat social "extrêmement dégradé" au sein de l'instance.
Mis à pied "à titre conservatoire" fin août, Atcher a vu le provisoire devenir définitif lundi soir, après un conseil d'administration extraordinaire du groupe d'intérêt public (GIP) France-2023, chargé d'organiser la compétition.
"Le conseil d'administration du GIP France 2023 a décidé de mettre fin au contrat de son directeur général", expliquent ainsi les organisateurs.
Fin juin, le journal L'Equipe avait en effet détaillé "le climat de travail au sein du comité d'organisation de la Coupe du monde 2023 extrêmement dégradé". Avec force détails, le quotidien sportif avait raconté un "malaise social profond", où se mêlent burn outs, démissions et crises d'anxiété, sous le coup d'un "management par la terreur" mis en place par Claude Atcher et sa cheffe de cabinet.
Or Claude Atcher est un acteur majeur du rugby français depuis plus de trente ans. L'ancien troisième ligne a d'ailleurs été désigné cinquième du classement des personnalités les plus influentes du rugby mondial, récemment établi par le magazine Rugby World.
- "Rugueux" -
Il faut dire qu'il est crédité des obtentions de l'organisation des Coupes du monde 2007 et 2023 pour la France, et de celle de 2019 pour le Japon.
A 66 ans, Atcher a conservé son physique de rugbyman. Sa carrure en impose. Autant que son éternel sourire, "carnassier", diraient ses opposants.
"C'était un troisième ligne rugueux, à l'ancienne. Un combattant, un méchant capable de se battre n'importe où et contre n'importe qui. Il n'avait peur de rien", se remémore Eric Blanc, un de ses coéquipiers au Racing, dans les colonnes du Parisien.
Il est pourtant venu au rugby sur le tard, après avoir été gardien de but du centre de formation de Nîmes. "J'avais quelques qualités mais j'avais du mal à m'exprimer physiquement sur ce jeu de football qui est un peu tout en retenue et qui ne correspondait pas à ma personnalité", a-t-il raconté à l'AFP.
"Je suis parti faire mes études secondaires à Toulouse et on n'était pas assez nombreux pour faire une équipe de foot. Par contre, comme c'est Toulouse, on était beaucoup plus nombreux à vouloir jouer au rugby", a ajouté celui qui a ensuite été éducateur de la protection judiciaire de la jeunesse.
Au point de (presque) devenir international. "J'ai joué en équipe de France A, A' et B. J'ai été appelé sept fois, j'ai dû m'échauffer 35 minutes et je ne suis jamais rentré!", se souvient encore Atcher.
"A l'époque, pour remplacer un joueur de champ, c'était compliqué, il fallait que le joueur ait une jambe coupée... J'ai quand même gardé un maillot N.16 dans le dos", a poursuivi le patron de France-2023.
- Affaires -
"C'est une fierté incroyable, jouer en France, devant ta famille, tes amis, ton pays... J'ai aussi fait une tournée en Argentine (en 1983, NDLR), à Tucuman, et je m'en souviendrais toute ma vie: c'était une petite ville dans la pampa et on avait été reçus... (il souffle) C'est très rugby, très paysan avec des joueurs très rudes. Ecouter la Marseillaise avec un tourne-disque, dans un stade à Tucuman, c'est un de mes plus beaux souvenirs sportifs", sourit-il encore.
Mais Atcher, qui a un temps été président de Marseille Provence XV époque Jonah Lomu, est aussi un fin stratège. "En montant à Paris, il s'est ouvert les portes des affaires", a ajouté Blanc, avec qui Atcher a atteint la finale du championnat de France 1987.
Proche de Bernard Laporte - "on n'est pas amis de longue date, on se connaît bien depuis 2015", précise Atcher -, il a été jugé en septembre, avec Mohed Altrad et le président de la FFR dans le cadre des soupçons de favoritisme autour du sponsoring du XV de France.
Il a comparu au mois de septembre devant le tribunal correctionnel de Paris pour "recel d'abus de confiance" aux côtés du président de la FFR Bernard Laporte pour avoir perçu avec sa société Score XV des sommes indues à partir de 2017, au moment où il pilotait la candidature de la France au Mondial.
Deux ans de prison, dont un avec sursis, ont été requis contre lui. Le jugement a été mis en délibéré au 13 décembre.
(G.Gruner--BBZ)