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Leur mission à elle seule - étudier les phénomènes aérospatiaux non identifiés - a le pouvoir de susciter tous les fantasmes, des "petits hommes verts" aux "envahisseurs". Mais à Toulouse, un petit groupe de scientifiques assistés de bénévoles veille à démystifier le phénomène "ovni".
Sur la cinquantaine de bâtiments que compte le siège toulousain du Centre national d'études spatiales (CNES), le Groupe d'étude et d'information sur les phénomènes aérospatiaux non identifiés (Geipan) n'occupe qu'un couloir anonyme pour trois "équivalents temps plein" sur les quelque 1.700 salariés locaux de l'institution (sur un total national de 2.300).
Mais pour toute personne ayant été un jour en contact avec un phénomène aérospatial incompréhensible, le fameux "objet volant non identifié", ou ovni, ce tout petit service est depuis 1977 le seul recours en France susceptible de répondre scientifiquement à leurs interrogations.
"La première mission du Geipan, c’est d'apporter une explication à quelqu'un qui n’a pas compris ce qu’il observait dans le ciel", résume Vincent Costes, son responsable, actuellement en train de passer la main à un nouveau directeur, Frédéric Courtade.
Lors d'une conférence publique à Toulouse, M. Costes a déclenché l'hilarité en projetant un témoignage vidéo comme son service en reçoit des dizaines chaque année.
L'extrait, filmé au téléphone portable, montrait de gros points lumineux aux trajectoires étranges dans un ciel nocturne, mais avec surtout, en fond sonore, les exclamations théâtrales de l'auteur de la vidéo et de l'un de ses proches, vraiment perturbés par leur vision qui n'était en fait... qu'un chapelet de lanternes thaïlandaises prenant leur envol.
- Une centaine de cas inexpliqués -
Depuis sa création il y a près de 50 ans, le Geipan a examiné 3.037 cas. Un peu moins de deux tiers (64,3%) d'entre eux sont des phénomènes "parfaitement" ou "probablement" identifiés, presque un tiers (32,4%) est non identifié par manque de données et seulement 3,3% restent non identifié après enquête, soit 100 cas à ce jour toujours inexpliqués.
Aéronefs en tous genres, reflets de soleil sur satellites, rentrées atmosphériques, essais militaires, phénomènes météorologiques, optiques ou simples ballons, le Geipan en a vu de toutes les couleurs.
Pour tenter d'élucider le mystère, l'organisme peut s'appuyer sur différentes expertises: au sein du CNES lui-même ou du côté du Centre national des opérations aériennes dépendant de l'armée de l'air, de Météo France ou encore du Centre national de la recherche scientifique (CNRS).
Mais la plupart des cas soumis n'étant pas accompagnée d'images, la première étape, cruciale, est celle de l'écoute du témoin. Et pour cela, le Geipan s'appuie sur un réseau de 17 enquêteurs bénévoles réparti sur toute la France.
- "Respect du témoin" -
"Il y a toutes sortes de personnes, parce que les observations insolites, ça concerne tout le monde, des gens de tous milieux, de tous niveaux", explique à l'AFP l'une de ces enquêtrices, Francine Cordier. Avec son conjoint Patrice Seray, elle officie dans la région des Vosges, avec comme valeur cardinale le "respect du témoin".
"Les gens qui témoignent sont parfois moqués" alors que certains sont "quelquefois en souffrance ou ont peur", explique M. Seray.
"Les rassurer" et ensuite leur apporter des explications rationnelles est plus essentiel que jamais, alors que les croyances en tout genre prolifèrent, notamment sur les réseaux sociaux, soulignent ces deux anciens "ufologues", surnom des passionnés d'ovnis (UFO en anglais).
"Le Geipan fait office de garde-fou, pas dans le sens où les témoins sont fous, mais pour empêcher les témoins ou les gens en général de tomber sous le joug d'une certaine frange de l'ufologie" pas très sérieuse précise Francine Cordier.
"Le Geipan ne dispose pas dans ses placards de matériel non terrestre !", a dû répondre Vincent Costes à une question très sérieusement posée par un spectateur de la conférence toulousaine, signe des idées qui peuvent agiter certains passionnés d'ovnis.
Aux Etats-Unis, la Nasa vient tout juste d'annoncer la création d'un poste de directeur chargé de la recherche sur ces phénomènes. Pour passer "du terrain du sensationnalisme à celui de la science", a insisté Bill Nelson, le patron de l'agence spatiale américaine.
(Y.Berger--BBZ)